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- Vandal, de Hélier Cisterne (France, 2013)
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Au Majestic Bastille
Quand ?
Samedi soir, à 22h
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
Le naturalisme teinté de sociologie, à la fois marque de fabrique et carcan du cinéma d’auteur français, craquèle de toutes parts en cette fin d’année 2013. Il y a bien sûr La vie d’Adèle, qui l’épuise sur la longueur en consacrant trois heures à son héroïne et en faisant ainsi sauter tous les clichés et cloisons autour d’elle. En décembre, Suzanne de Katell Quillévéré proposera une deuxième manière d’utiliser l’arme de la durée : vingt ans de la vie du personnage principal y défilent devant nos yeux, rendant là encore inopérantes les tentatives de schématisation selon des grilles d’analyse réductrices. Sorti en salles le même jour que le premier, et réalisé par le compagnon du second, Vandal tente néanmoins une toute autre approche, à la dérobée comme son personnage principal. Chérif a quinze ans, et déjà une case confinée qui lui est attribuée sociologiquement – décrochage scolaire, classe ouvrière, parents divorcés – et ce faisant cinématographiquement. La vie de Chérif est de celles que l’on cadre serré à l’épaule, au plus près des corps et des gestes, pour en saisir l’isolement et les ballottements au gré des épreuves.
Pour son premier long-métrage, Hélier Cisterne n’échappe pas complètement à ce programme balisé. Mais il y insuffle un esprit d’aventure, une prise de risque suffisamment vive pour parvenir à déplacer sur un terrain sauvage l’émergence, puis la résolution, de l’inévitable problématique morale venant en surplomb de la chronique sociale. À la ligne claire, formelle et politique, d’un Ken Loach, Cisterne préfère franchement le trouble intérieur et plastique qui règne chez Gus Van Sant, dans Paranoid Park plus précisément. Vandal entretient avec ce dernier une relation de familiarité (la scène pivot, qui tranche le récit en deux, est en particulier très similaire d’un film à l’autre, dans son installation puis ses répercussions) teintée d’un respect qui exprime de façon nette l’humilité des ambitions de Cisterne. Celui-ci ne cherche en aucun cas à rivaliser avec Paranoid Park, et se contente de marcher modestement dans ses pas sur la voie qu’il a ouverte. Vandal est assurément un « petit » film, réussi mais somme toute un peu léger au regard de son potentiel. Cela vaut toujours mieux qu’une œuvre trop ambitieuse et qui échoue à se montrer à la hauteur.
Vandal a dans sa manche un atout de choix, qui le distingue de la masse en l’emportant vers des terres de fiction plus poétiques que terre à terre, donc plus envoûtantes. Pour cela Cisterne convoque un autre art, celui du tag, auprès duquel le cinéma endosse le rôle de guetteur ou d’enregistreur, selon les circonstances et toujours en écho à la position de Chérif. En marge de sa vie contrainte le jour (l’école, la famille), celui-ci intègre un groupe de graffeurs de son âge et les suit dans leur virées nocturnes à travers la ville. La liberté et l’enivrement qu’il y trouve se diffusent dans la mise en scène, où éclosent alors de très belles choses dans la composition des plans – des ombres géantes projetées sur un mur, donnant l’impression que les graffeurs se dédoublent – ou le montage. L’exécution du tag final est transfigurée en une expérience plus sensorielle que consciente, quasiment une transe au cours de laquelle le personnage se métamorphose. Vandal nous laisse sur le pas de cette porte, de cette nouvelle vie. C’est à la fois frustrant (on brûle de savoir la suite) et électrisant, car ainsi le mot de la fin du film est que tout ado qui trouve sa voie devient un super-héros, un vrai. C’est ce parcours que raconte Cisterne, laissant le reste à notre imagination.