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- Un après-midi de chien, de Sidney Lumet (USA, 1975)
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Lorsque le duo formé par Al Pacino et le réalisateur Sidney Lumet s’attaque à Un après-midi de chien, ils sortent d’une collaboration plus que fructueuse sur Serpico et vont à nouveau tordre les règles du film policier en y injectant une forte dose d’humanité et d’arrière-plan social. Cette liberté de traitement, typique du cinéma des années 70, éloigne Un après-midi de chien du simple récit d’un braquage raté tournant à la prise d’otages. Au lieu de cela, le film ressemble plus à une installation théâtrale, un spectacle improvisé en pleine rue de New York et dont le pitch ne sert que de cadre à une passionnante étude de caractères.
En donnant l’illusion d’avoir tourné en quasi temps réel et avec une caméra ne connaissant pas à l’avance le déroulement des faits, Lumet nous plonge au coeur du drame et retire tout le spectaculaire superflu de celui-ci. En faisant la part belle aux scènes en creux et d’attente plutôt qu’au suspense, il nous rend attachants et réalistes tous les protagonistes, qu’ils soient braqueurs, otages, flics ou badauds. Le film y gagne une richesse fabuleuse, puisqu’il parvient de cette manière à épouser tous les points de vue sur cette situation extraordinaire (au sens propre).
Un après-midi de chien fonctionne par cercles de personnages. Au coeur géographique et dramatique du récit se trouvent les personnes présentes dans la banque ; à l’extérieur de celle-ci, les équipes de police et les piétons qui profitent du « spectacle » ; et enfin, ailleurs dans la ville, les familles des preneurs d’otages et des employés de la banque, qui n’ont avec eux que des contacts fragmentaires (téléphone, télévision). Les liens complexes et variés qui se tissent entre et à l’intérieur de chacun de ces cercles rendent le film captivant et intense, d’une manière complètement originale. Une intensité décuplée par celle mise par les acteurs dans leurs performances à fleur de peau, saisies sur le vif par la mise en scène et desquelles ressort un incroyable sentiment d’urgence et de véracité.
De cette mosaïque de personnalités, un visage sort peu à peu du lot : celui de Sonny / Al Pacino, le planificateur du braquage, personnage passionnant et bouleversant. Son portrait se dessine en filigrane du récit, au travers d’échanges poignants avec ses proches : d’un côté sa mère et sa femme envahissantes et qui ne le comprennent pas (d’où deux séquences très sèches, sommets d’incommunicabilité), et de l’autre l’amour de sa vie, un homme pour lequel il est prêt à tout – y compris braquer une banque. La longue scène (huit minutes) où les deux hommes parlent à coeur ouvert de leur relation est un sommet d’émotion, au cours duquel tout le tragique du personnage, acculé de tous côtés, nous frappe de plein fouet.
Le dénouement de l’histoire n’est d’ailleurs pas relaté selon un point de vue objectif, mais subjectif. C’est à travers les yeux de Sonny, détruit par le système et abandonné de tous, que l’on assiste à la conclusion de cette prise d’otages, qui prend dès lors un tour déchirant permettant au film de marquer durablement les esprits et de dépasser définitivement le cadre du simple film de genre pour atteindre celui de classique.
A noter la présence dans l’édition collector de Un après-midi de chien d’un excellent documentaire rétrospectif d’une heure, réalisé par l’inévitable Laurent Bouzereau. Sans surprise, le travail effectué par ce dernier est une nouvelle fois excellent. Divisé en quatre chapitres (scénario, casting, tournage, et « l’après »), ce document fait la part belle aux témoignages des différents membres de l’équipe, du réalisateur Sidney Lumet aux acteurs – Al Pacino en tête – en passant par le producteur et le scénariste. Le fil directeur suivi par Bouzereau est la liberté qui prévalait à Hollywood dans les années 70. A suivre le récit de sa production et de son tournage, Un après-midi de chien est un exemple parfait de cet âge d’or du cinéma américain, au cours duquel les metteurs en scène étaient les maîtres du jeu de A à Z, sans avoir à se soucier d’éventuelles interventions extérieures. Une fois que le scénario lui fut proposé, Lumet décida ainsi de s’éloigner du fait divers spectaculaire pour se concentrer sur la crédibilité des personnages, ou encore de donner au film des airs de théâtre filmé : choix des acteurs parmi la troupe habituelle de Pacino, longue session de répétitions avec ceux-ci à la suite de quoi les dialogues du film furent entièrement réécrits, tournage en extérieurs permettant une vraie continuité entre la rue et la banque Puis, au montage, le réalisateur put même choisir de rallonger le film et d’en ralentir le rythme afin d’appuyer l’impact émotionnel de certaines scènes liées aux personnages et non à l’action. L’humanisme du long-métrage est également mis en exergue par les différents intervenants, tous fiers d’y avoir pris part et visiblement heureux de partager leurs souvenirs. Malgré quelques redites ici et là, ce documentaire est au final une vraie réussite, passionnante et enrichissante de bout en bout.