• Trance, de Danny Boyle (Angleterre, 2013)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une des trois grandes salles

Quand ?

Mercredi, jour de la sortie, à 13h

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

De tous les cinéastes non estampillés « auteur », Danny Boyle est possiblement celui qui suscite la plus forte aversion, en proportion et en virulence : beaucoup de gens détestent profondément ce qu’il fait. Par une sorte de démonstration par l’absurde cela constitue peut-être la marque qu’il est un auteur, à sa façon inhabituelle et déconcertante comme l’est son œuvre. Depuis le tournant des années 2000, marqué pour lui par l’échec (son seul de mon point de vue) de La plage, Boyle s’applique à se manifester sans cesse là où on ne l’attend pas. Tel un pirate voguant sur les mers et arraisonnant les genres à mesure qu’ils se présentent, pour reprendre le bon mot de cette critique ; ou bien tel un coucou s’installant effrontément dans le nid des autres, pour élaborer moi-même une autre image. Ses déménagements incessants sont autant géographiques que thématiques. Après l’espace et la science-fiction (Sunshine), l’Inde et le mélo d’aventures (Slumdog millionaire), le désert américain et le survival (127 heures), le voici qui revient à Londres pour la première fois depuis la première partie de 28 jours plus tard, et qui se lance à l’assaut d’une sous-division très spécifique du thriller de série B : le thriller mental sous hypnose.

Cette catégorie a connu son âge d’or au milieu du siècle dernier, portée par la popularisation de la psychanalyse et tout ce que celle-ci pouvait apporter d’excitant au film noir. Schématiquement, Hitchcock ouvrit le bal avec La maison du docteur Edwardes (1945) et le referma avec Sueurs froides (1959). Depuis le cinéma revient toujours puiser à cette source d’inspiration, mais de manière de moins en moins régulière et de plus en plus excentrique. Trance est un parfait exemple de ce complet abandon de toute aspiration au sérieux médical, lequel était auparavant présumé aller de pair avec l’exploration du subconscient. Le réalisme de la proposition et les vérités tragiques humaines produites par le récit se trouvent expédiées dans ce même vide-ordures où le héros Simon est supposé jeter les tableaux précieux mis aux enchères, en cas de braquage de la salle de vente. Il ne le fait pas, car il est complice du gang ; mais voilà qu’un coup reçu sur la tête l’empêche de se souvenir de ce qu’il a fait de la toile volée. Prétexte idéal pour pousser Franck, le chef de l’opération, à faire appel aux services d’Elizabeth, hypnothérapeute, afin qu’elle pénètre l’esprit de Simon et le manipule de sorte que cette mémoire précise lui revienne.

Sur ces quelques bases jetées sur une page blanche, Boyle et ses scénaristes Joe Ahearne et John Hodge échafaudent un grand huit de fête foraine qui démarre sans round d’observation (le hold-up sert d’introduction) et coupe son élan sur la ligne d’arrivée, après un ultime twist mettant sans dessus-dessous la trajectoire délirante de son intrigue. Entre temps, toutes les dix ou quinze minutes on croit que le film atteint un palier qu’il ne pourra outrepasser, ou un cul-de-sac dont il ne pourra s’extirper ; menus embarras qui sont à chaque fois balayés à coups de bluff et de punch. Trance va constamment de l’avant, mettant la gomme pour enfoncer les murs ou virant au frein à main pour percer une nouvelle voie. Bien sûr, ce faisant il s’enfonce de plus en plus dans l’invraisemblable des retournements de situation, et le grotesque des manipulations entre réalité et hallucinations. Mais loin de s’en soucier il s’en délecte, et en nourrit une griserie de série B tour à tour épicurienne quand elle nous fait agréablement de l’œil, et vicieuse quand elle prend violemment nos nerfs à revers.

Cette énergie à deux visages, et invariablement dingue dans son engagement, est devenue la marque de fabrique de Boyle qui en sature toutes les strates de ses films. Dans Trance comme dans ses longs-métrages les plus récents, elle trouve son prolongement dans la déferlante visuelle et sonore que le cinéaste fait déclencher par ses artificiers. Anthony Dod Mantle est toujours à la baguette à l’image, Rick Smith du groupe techno Underworld s’est vu remettre les commandes de la bande-son, et à eux deux ils font de cette Trance une frénésie sensoriellement étourdissante. C’est un jeu volontiers excessif et brutal, mené par une bande de bad boys sans manières qui nous somment d’entrer dans la danse avec eux. Comme ils s’y projettent eux-mêmes bille en tête, avec une sincérité et une conviction inconditionnelles, je me laisse pour ma part emporter à chaque coup. La cavalcade de Trance a en plus ceci de réjouissant qu’elle épouse avec succès le cours d’une fouille psy. Le film est d’abord civilisé, propre, en contrôle ; puis la crudité du sexe, du sang, de la mort s’imposent par autant d’apparitions soudaines et souveraines. Cette brèche excitante achève de transformer en franc plaisir ce faux petit quelque chose, tourné rapidement en profitant d’une pause dans le planning de la cérémonie d’ouverture des J.O. de Londres.

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