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- The Thing, de Matthijs Van Heijningen Jr. (USA, 2011)
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A l’UGC Orient-Express
Quand ?
Dimanche soir, à 22h
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Le meilleur moyen d’entrer à Hollywood, ces temps-ci, c’est d’accepter de s’atteler à un remake de film d’horreur des années 70/80. La lettre de motivation suffit alors à vous garantir une embauche, peu importe votre CV. Le cas du néerlandais Matthijs Van Heijningen Jr. est éloquent, sa filmographie sur IMDb comme sur Wikipedia se résumant à un court-métrage réalisé il y a quinze ans de cela. Un vide du genre vertigineux, surtout si on le met en regard de la tâche qui lui a donc été confiée – refaire l’un des plus grands films d’horreur de l’histoire, The Thing de John Carpenter. Ce dernier est déjà passé trois fois à l’essoreuse du remake, pour une réussite (Assaut, par Jean-François Richet dont c’est peut-être le meilleur film) et deux ratages – Halloween (dont le charcutage par Rob Zombie a tout de même ses fans) et Fog. Puisque The Thing version 2011 est loin d’être mauvais, osons une règle empirique : les longs-métrages de Carpenter se prêtent bien à l’exercice du remake lorsqu’ils sont eux-mêmes des dérivés de films plus anciens.
Comme Assaut (avec Rio bravo), The Thing appartient en effet à la partie de la filmographie de Carpenter qui le voit obsédé par Howard Hawks au point de refaire les films de ce dernier (de la même manière que De Palma a fait une série de variations sur des films d’Hitchcock à la même période). A l’origine de The Thing version 1982, il y a La Chose d’un autre monde, film-matrice de la science-fiction paranoïaque et remplie de bêtes hideuses. Carpenter parvenait à sortir de l’ombre du film de Hawks – et même à renverser les rôles, en le surclassant largement – par la réintroduction d’une des idées fortes de la nouvelle d’origine[1], la capacité de la Chose extraterrestre à prendre à l’identique la forme de n’importe quel être vivant. Cette idée est toujours là en 2011, tout comme les autres piliers qui font la beauté sombre du film de Carpenter : le huis-clos en Antarctique alors qu’une tempête fait rage en dehors de la base, le feu déchaîné comme seule manière d’éliminer l’ennemi, les tests improvisés pour déterminer qui est encore humain. La réussite mineure mais bien réelle de The Thing version 2011 se base à nouveau sur ces éléments – et sur les épaules de Mary Elizabeth Winstead, dont le mélange de fragilité et de ténacité à l’épreuve du mal fait toujours autant merveille dans les séries B (Destination finale 3, Boulevard de la mort).
A l’image de la bande de norvégiens barbus qui accompagnent Winstead au casting, Van Heijningen est un peu pataud derrière sa caméra mais malgré tout efficace. C’est le genre de réalisateur dont on sent bien qu’il ne faut pas trop lui demander de faire des merveilles à lui seul (les séquences nouvelles de l’exposition du récit et de l’affrontement final hors les murs de la base sont laborieuses), mais qui ne gâchera pas un matériau de qualité. La tension monte très adroitement avec les premières attaques de la Chose, et se mue en une terreur ininterrompue dans la deuxième moitié du film, quand les événements tournent à la guerre ouverte entre humains aux lance-flammes et créature protéiforme. Le film nous fait alors passer un très bon mauvais moment. Van Heijningen tire pour ce faire un beau parti de la nouveauté essentielle entre 1982 et 2011 : le numérique, qu’il utilise à raison pour aller plus loin dans l’expression visuellement démesurée du cauchemar vécu par les personnages. Les incendies sont plus intenses, les formes monstrueuses de la Chose sont plus répugnantes et dérangeantes. On perd évidemment l’angoisse sourde et rampante de la version de Carpenter, mais le basculement dans l’excès et le grotesque qui la remplace n’est pas dénué de valeur. Et puis il y a cette dernière scène très réussie, faisant la jonction entre les deux versions (celle de 2011 est un remake mais aussi un prequel de celle de 1982) avec beaucoup d’inspiration, jusque dans son positionnement original : pendant le générique de fin, ce qui lui donne un caractère presque facultatif qui colle tout à fait avec le fait que ceux qui n’ont pas vu le film de 1982 ne verront aucun intérêt à cette scène, tandis que ceux qui comprennent de quoi il retourne seront ravis du clin d’œil.
[1] évacuée dans les années 50 pour cause de Guerre Froide et des postures manichéennes qu’elle engendrait