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- The land of hope, de Sono Sion (Japon, 2012)
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Au MK2 Beaubourg, dans la toute petite salle (39 places)
Quand ?
Dimanche soir, à 19h
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
L’absence totale de finesse humaine et dramatique de Sono Sion m’avait fait détester son précédent film sorti en France, Guilty of romance. Il faut croire qu’un sujet lourd s’accommode mieux de son style lourd, puisque The land of hope m’a fait bien meilleure impression. Sion s’y attaque presque frontalement à la catastrophe de Fukushima, à peine plus d’un an après, et le ‘presque’ est à considérer positivement : en imaginant la survenue d’un deuxième cataclysme (séisme + tsunami + explosion d’une centrale nucléaire) dans un pays déjà marqué par Fukushima, il décuple l’horreur de la chose. En effet, si une première tragédie peut être considérée comme un accident, une seconde occurrence condamne sans plus de contestation possible le système tout entier. Plus rien ne peut racheter le nucléaire dans The land of hope, et plus rien ne peut empêcher la propagation de la radioactivité sur le territoire et de ses effets dévastateurs (paranoïa, désolation) dans les esprits.
Sion s’empare du sujet en mettant de côté le documentaire au profit des chemins de traverse d’une fiction plus ambitieuse. Après l’introduction des personnages, et la rupture produite par le tremblement de terre, une scène surréaliste lance concrètement le récit : le passage en force de la ligne délimitant la zone contaminée au milieu du jardin séparant les maisons de deux familles amies. L’effet serait absurdement comique si ses implications n’étaient absolument dramatiques. Ceux qui sont du mauvais côté de la démarcation sont arrachés sur le champ à leur demeure, tandis que les autres sont abandonnés à eux-mêmes maintenant que leur a été donnée une assurance théorique et en réalité fictive qu’ils ne risquent rien. Le drame des premiers, déplacés dans des habitats précaires, est le plus connu de nous car il découle de l’urgence la plus nette et la plus scrutée. Sion ne sait trop sur quel pied danser à leur encontre. Il les repousse progressivement dans les marges du récit, mais n’a pas osé les en retirer purement et simplement. De fait leur présence, ingrate, rallonge et appesantit un film dont la vigueur se trouve clairement intensifiée lorsqu’il adresse la question des ravages à long terme d’un accident nucléaire.
Les deux couples au cœur de The land of hope, les jeunes poussés à fuir et les vieux qui restent car il est trop tard pour eux, deviennent peu à peu les porte-étendards de ce malheur. Chez les premiers grandit la psychose qui éteint toute capacité à s’imaginer un avenir, aux seconds s’impose la conclusion que tout ce qu’ils ont passé leur vie à bâtir était en vain, et ne sera pas transmis. Grandir sans perspective, mourir sans héritage : l’horizon s’avère bouché de toutes parts dans The land of hope, film au titre grinçant. Sion pose sa caméra dans un environnement qui rappelle celui du splendide Saudade vu l’an passé – des villes de province endormies et grisâtres, habitées par des figures d’un prolétariat modeste et invisible. Sion prend lui aussi la tangente via un glissement du réalisme vers le symbolisme, qui s’opère ici par le mélodrame. Dans ce genre ultra-codifié, tombé en désuétude car desservi par des détournements insincères, l’existence des personnages se résume à l’opposition tragique entre l’amour et une autre force aussi puissante et implacable, mais néfaste. Dans The land of hope cette seconde force est la radioactivité, et cette idée remarquable porte le film.
Mortelle, imperceptible et à la propagation inéluctable, la radioactivité est le méchant de cinéma ultime puisqu’à la fois hors champ et partout dans le cadre. Sion ne se prive pas d’exploiter cela, pour faire muter des séquences qui pourraient, qui devraient être tranquilles (une visite à la maternité, par exemple) en terreaux de terreur. Le mal s’étant insidieusement fixé partout, une vie paisible n’est tout simplement plus possible. Et la radioactivité est un ennemi d’autant plus dangereux qu’elle ne s’affiche jamais ouvertement, mais laisse ses répercussions agir en son nom : cancers qui éclateront à retardement, injonctions reçues des autorités de faire table rase de ses possessions car elles sont contaminées. Calamités colossales, ce qui rend valide leur expression brute, voire pataude, par Sion. Le mélo fait partie de ces genres où la force seule peut suffire, sans requérir de la maîtrise dans son maniement. The land of hope en est un bel exemple, en particulier dans ses dernières scènes qui laissent exploser furieusement les énergies fondamentales – le feu, la peur, la colère – contenues tant bien que mal auparavant. La douleur est perçante, la blessure profonde, les séquelles durables.