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- Summer, d’Alanté Kavaïté (Lituanie-France, 2014)
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Au festival de Berlin, et à la maison en DVD édité par Outplay (sortie le 17 février 2016) et obtenu via Cinetrafic dans le cadre de leur opération « DVDtrafic »
Quand ?
En février 2015, et ce week-end
Avec qui ?
Seul, puis avec MaBinôme
Et alors ?
Le seul point sur lequel Summer manque de personnalité est ce titre sous lequel il a été distribué en France, transparent, visant uniquement à souligner le lien entre la saison de sa sortie en salles et celle où se déroule son histoire. Le titre d’origine du film (Sangaïlé) est tout aussi succinct mais plus expressif, et la connexion qu’il établit est intime, entre nous et l’héroïne dont il reprend le prénom. Sangaïlé passe l’été de ses dix-sept ans physiquement avec ses parents dans leur maison de vacances mais intérieurement seule avec sa dépression, jusqu’à ce que sa route croise celle d’Austé – une rencontre qui est moins le fait du hasard que le fruit du désir de cette autre jeune femme pour elle. Les règles du jeu narratif et sentimental de Summer sont posées de manière cristalline dès cette scène d’ouverture où Austé vient séduire Sangaïlé : celle-ci regarde et convoite un horizon qui se refuse alors à elle (la voltige aérienne, qui lui est interdite par le vertige dont elle souffre), Austé regarde et convoite Sangaïlé qui va accepter de se donner à elle.
Peut-être car elles sont encore au seuil de leur vie d’adultes, Sangaïlé et Austé auront ensuite l’une pour l’autre des émotions et réactions presque exclusivement positives, non encore gâchées par l’expérience et les désillusions. Cette croyance, rayonnante et indéracinable, en la bonté et en la beauté va leur permettre de s’aimer le temps d’un été, et de s’élever mutuellement pour le futur. Summer est ainsi une Vie d’Adèle en plus doux, moins conflictuel – jusque dans sa manière de tenir son rang de premier film LGBT lituanien sans faire de l’homosexualité un problème, mais une partie tout à fait naturelle de son récit. Dans le sillage de Sangaïlé et Austé, personnages à l’écriture riche (en particulier dans la complémentarité de leurs caractères), Summer emprunte la voie du feel good movie, non pas sous sa forme la plus répandue et fruste de l’injonction faite au public, mais par le biais d’une expérience vécue par les protagonistes, et transmise avec grâce et spontanéité au spectateur.
En charge de cette propagation on trouve la mise en scène sensible, organique d’Alanté Kavaïté dont le premier long-métrage, le lointain Écoute le temps, portait déjà l’ambition d’employer les composantes formelles du cinéma (images, bande-son) comme pourvoyeurs de sensations et de trouble. Dans Summer l’importance donnée à la musique et au visuel est encore plus nette et aboutie – au point de venir stimuler un autre de nos autres sens, le film adoptant presque un caractère tactile. Il est intensément pénétrant et charnel, dans sa représentation des émois sensuels et des ébats sexuels mais aussi de choses plus dures (les scarifications que s’inflige Sangaïlé) ou moins immédiatement palpables (les effets physiques de la voltige, sur le corps humain et les déplacements de l’avion dans le ciel). Le cinéma de Kavaïté nous met littéralement dans la peau de Sangaïlé, et tout dans sa manière de le faire sonne juste.
L’édition DVD du film est généreuse, complétant le long-métrage avec deux courts dont un faisant directement suite à Summer. Intitulé Trois ans après…, il prend place dans une séduisante zone indécise, entre featurette documentaire où les comédiennes parlent avec recul du film qu’elles ont interprété, et post-scriptum à la fiction qui permet à l’amour qui s’y épanouissait d’exister encore après sa perte, sous forme de beau souvenir. L’autre court-métrage, How we tried a new combination of light, date d’avant Summer (2012) et est bien plus proche du travail d’Alanté Kavaïté sur Écoute le temps ou dans sa collaboration avec Lucile Hadzihalilovic (Évolution). La narration étant assurée par la pièce musicale composée par Olivier Mellano à laquelle s’adosse How we tried…, Kavaïté peut transformer son film en pur terrain d’expérimentation formelle, sous forte influence lynchienne. Inégal sur la durée, le résultat est néanmoins fascinant à plusieurs reprises, en particulier lors des ruptures visuelles (de décor, de lumière, d’ambiance, d’échelle) qui provoquent une sidération soudaine et dont la dernière nous fait voir d’un autre œil les lampes dans les scènes qui suivent. Voilà bien un des fondements de ce que doit être le cinéma : un instrument pour ouvrir notre perception et changer notre regard sur le monde.
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