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- Monty Python : Sacré Graal !, de Terry Gilliam & Terry Jones (Angleterre, 1975)
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A la maison, sur Arte
Quand ?
Lundi dernier, à 20h40
Avec qui ?
MaFemme, qui ne l’avait jamais vu
Et alors ?
SÉRIEUSEMENT, que pourrait-il y avoir de plus ennuyeux qu’une critique sérieuse de l’un des films les plus drôles de l’histoire du cinéma ? A plus forte raison quand celui-ci n’a aucune aspiration à être porteur d’un message ou d’une opinion quels qu’ils soient. [C’est pourquoi, en tant qu’auteur des lignes qui suivent, je vous invite à ne pas les lire et à ne vous arrêter que sur les extraits vidéo intercalés entre ces paragraphes qui sont autant de verbiages INUTILES.] Monty Python : Sacré Graal ! rejette les messages et les opinions avec la même virulence que celle affichée par les soldats français du film lorsqu’ils catapultent des vaches vivantes par-dessus les remparts de leur château pour repousser les assauts des Chevaliers de la Table Ronde menés par le roi Arthur. D’ailleurs, Sacré Graal ! est dans son ensemble aussi bête et méchant et incohérent que le sont ses personnages français. [Vous êtes encore là ?!?] Tout commence avec un roi Arthur sans sujets, sans château, sans cheval – parce que les Monty Python n’avaient pas assez d’argent pour intégrer ces différents éléments au film. Mais plutôt que de subir ces manques, la bande les retourne brillamment à son avantage en en faisant des sujets de gags, dès leur introduction et pour toute la durée de leur présence à l’écran. Moqueries sur l’extérieur et l’intérieur de Camelot, remise en cause sur des bases idéologiques anachroniques de la légitimité du roi de droit divin, digressions sans fin sur les noix de coco et les hirondelles (voir ci-dessous) : en guise de mise en place du récit, Sacré Graal ! en propose une destruction à l’arme lourde de ses fondations.
Dieu en personne arrive ensuite pour tenter de donner un but, et un semblant de cohérence à ce capharnaüm délirant, en assignant une mission de la plus haute importance à Arthur et ses Chevaliers : trouver le Graal. A partir de là, c’en est fini pour eux de errer sans but ; mais ce n’en est pas fini pour nous de rire. La confrontation des « héros » à des dangers mortels n’empêche pas que ces derniers soient également tout à fait idiots et absurdes. [Vraiment, arrêtez de vous faire du mal, il y a un extrait vidéo à deux pas d’ici !] Les français grossiers côtoient dans cette troupe d’ennemis mécréants un chevalier à trois têtes, d’autres qui agressent leurs cibles en faisant « Ni ! » (très efficace), le gardien d’un pont qui en autorise la traversée au prix de trois bonnes réponses à trois questions improbables (l’alternative étant la mort immédiate)… et le plus terrifiant de tous : un lapin.
Séquence après séquence, l’évidence à laquelle il faut se rendre est la même. La seule allégeance consentie par les Monty Python est envers l’humour, raison d’être unique et ne souffrant aucune rivalité de tous les personnages, toutes les intrigues, tous les dialogues et tous les plans. C’est un humour caméléon (grivois ou violent, bouffon ou nonsensique…), et rarement immédiat ; la bande préfère de loin les échafaudages comiques génialement alambiqués, des marabout-bout de ficelle qui se laissent emporter par l’élan de leurs deux ou trois premières blagues, salves mineures qui sont ensuite combinées entre elles de toutes les manières imaginables, sur une durée déraisonnable, selon une logique qui s’invente en cours de route. Un peu comme cette phrase qui vient de s’achever [et qui a bien dû démotiver les derniers d’entre vous à lire encore ces inepties pompeuses ? non ?]. Certaines scènes de Sacré Graal ! nous font rire aux larmes non seulement par la qualité des gags mais aussi par leur accumulation, qui érode nos défenses et nous rend à terme totalement perméable à une hilarité n’ayant queue ni tête.
Il y a tout de même une autre chose en laquelle les Monty Python croient, dur comme fer : le cinéma. Sacré Graal ! se présente comme un pratiquant enthousiaste de cet art, mettant un entrain non feint à utiliser les spécificités de sa syntaxe. On y trouve des ellipses, une voix-off, un film dans le film, des sections animées intégrées aux prises de vues réelles, des effets spéciaux, et quantité de jeux sur la distance entre la caméra et l’action, sur les cadrages, sur le montage. C’est un catalogue exhaustif rédigé par un duo de cinéastes (les deux Terry, Gilliam et Jones) cinéphiles, qui tranche radicalement avec la platitude habituelle des comédies signées par des transfuges de la télévision ou de la scène. Pour preuve de la qualité formelle du long-métrage, le fait que lorsqu’elle n’est pas recyclée comiquement, la pénurie de moyens dont celui-ci souffre n’est jamais visible ; car toujours habilement dissimulée par la mise en scène. [Mais on s’en fiche, non ? Allez, ne vous obstinez pas et laissez tomber ! C’est presque fini de toute façon ! On se le regarde, ce dernier extrait vidéo ?] Les Monty Python gardent ainsi de bout en bout l’entière maîtrise de leur objet comique. Qui reste ainsi fabuleusement drôle et décapant de bout en bout, de son générique plurinational – les péruviens succédant aux suédois – et ingérable à sa fin brutale et borderline. [VOILA c’est fini !!] Laquelle fin [hein ? quoi ? ah non !], d’un simple mouvement brusque de caméra, rend la complicité vaguement honteuse entre le public et ces comiques crétins, faisant un film crétin sur la quête du Graal, bien plus forte et engageante qu’on ne le pensait. Nous sommes dans le camp des Monty Python, le camp des fous, contre celui des gens « normaux ».