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- Mon beau-père et moi, de Jay Roach (USA, 2000)
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A la maison
Quand ?
Lundi soir
Avec qui ?
MaFemme
Et alors ?
Indiscutable réussite de la comédie américaine récente, Mon beau-père et moi se distingue de ses congénères dans cette catégorie par la primauté, dans son cas, du scénario sur les performances d’acteurs. Il n’est pas question d’affirmer que Ben Stiller, Robert De Niro et les seconds rôles menés par Owen Wilson n’y sont pas drôles ; mais ils sont au service du texte, et non l’inverse comme c’est presque toujours le cas avec les monstres comiques que sont les Will Ferrell, Steve Carell et autres. Mon beau-père et moi perpétue une filière spéciale au sein de l’humour américain, qui vivote au gré des exceptions telles que celle-ci après avoir régné sans partage lorsqu’elle était entre les mains des Lubitsch, Capra, Hawks, Wilder. Des cinéastes qui avaient la haute main sur leurs films, et considéraient que l’engrenage des quiproquos et la mise en scène des gags en constituaient le centre névralgique. Chez eux les acteurs célèbres (James Stewart, Cary Grant, Audrey Hepburn, Marilyn Monroe…) étaient des interprètes comme les autres venant apporter leur talent à l’orchestre, et non des solistes en mesure d’imposer leur tempo et leur interprétation.
Mon beau-père et moi fonctionne de la sorte. Stiller et De Niro énoncent et exécutent les traits d’humour, mais en étant souvent appuyés par la réalisation et toujours bordés par le scénario. Mon beau-père et moi est une comédie très bien mise en scène ; Jay Roach (réalisateur des Austin Powers) n’utilise pas sa caméra comme un basique dispositif d’enregistrement, mais élabore à de nombreuses reprises des effets de cadrage et de changement d’axe qui sont en eux-mêmes source de rires. Certains comptent même au nombre des créations du film que l’on garde en mémoire a posteriori, comme le champ-contrechamp qui isole Greg / Ben Stiller à son arrivée sur le perron de la maison de ses beaux-parents ou le découpage de la course automobile interrompue tous les cent mètres par un feu rouge.
Surtout, Mon beau-père et moi est une comédie extrêmement bien écrite. Son idée de départ est une gemme d’aspect simplissime mais au potentiel intarissable. L’antagonisme entre deux hommes aux individualités et antécédents contraires, mais devant faire avec la présence de l’autre puisqu’étant futurs gendre et beau-père, est une puissante machine à transformer en gags irrésistibles n’importe quel trait de caractère ou élément de contexte, pour peu qu’il soit légèrement forcé. Le choc des styles de vie et des générations est ainsi pimenté, essentiellement, par les professions assignées à l’un et l’autre : infirmier (la blague est encore plus criante en anglais : « male nurse ») contre retraité de la CIA Sur cette base, les scénaristes Jim Herzfeld et John Hamburg sont en mesure d’essaimer des gags en grand nombre ; et qui sont de plus tous compatibles entre eux, permettant des greffes multiples et une escalade ravageuse. Il en découle deux premiers actes qui sont des modèles de fluidité comique dans l’emballement des catastrophes, qui se succèdent et se combinent « naturellement ». Tout d’abord en vase clos, avec Greg et Jack / De Niro dans un face-à-face où tout renforce involontairement leur détestation profonde et réciproque. Puis, une fois cette situation portée au plus près de son point d’ébullition, Mon beau-père et moi ouvre grand ses portes à une série de personnages extérieurs. Commence alors un nouvel engrenage malveillant, sur un terrain de duel autrement plus vaste et inflammable et où les mauvais gestes sont désormais délibérés.
Plus les choses s’enveniment, et plus l’image attachée aux deux acteurs incarnant ce pugilat devient un catalyseur comique puissant : la bougonnerie acerbe et rigide de De Niro et la nonchalance affable, bonne poire de Stiller les rendent antagonistes comme chien et chat, sans avoir à forcer leur nature. Bien sûr, dans sa dernière ligne droite le film doit payer son dû au système hollywoodien qui l’accueille, en se réaiguillant sur les rails rigides du genre romantique. Mais même dans ce cadre plus étriqué, il parvient à fomenter deux scènes réjouissantes (une crise de nerfs dans un avion, et une « proposal » extravagante de beau-père à gendre) qui rappellent qu’une bonne comédie ne peut jamais être complètement domptée.