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- Mission Impossible : protocole fantôme, de Brad Bird (USA, 2011)
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Au ciné-cité La Défense
Quand ?
Dimanche matin
Avec qui ?
MonFrère et un de mes deux compères d’UGC
Et alors ?
Dans sa déclinaison au cinéma, la série des Mission : Impossible se consume le long d’une mèche particulièrement longue. Ce quatrième volet arrive cinq ans après son prédécesseur, et ce sont seize années qui se sont écoulées depuis la sortie du film originel – et toujours le meilleur – signé Brian De Palma. Le monde en général et la pratique du film d’action en particulier ont beaucoup changé dans l’intervalle, mais la franchise Mission : Impossible n’a pour sa part évolué que marginalement. Au point de devenir avec ce nouvel épisode quasiment un point fixe de référence, un totem nous remémorant comment ce genre de divertissement était (bien) fait « avant » : avant le 11 septembre et la crise existentielle des héros américains, avant The Matrix et sa porte ouverte sur les mondes virtuels, avant les images de synthèse à outrance et les lunettes 3D. Mission : Impossible 4 accepte de prendre en considération certaines des transformations qui agitent la société et son image au cinéma, mais avec parcimonie, et toujours de manière à sortir vainqueur de l’amalgame. Il fait du vieux avec du neuf.
Comme au temps de la Guerre Froide, « l’Autre » est ainsi figuré par le bloc de l’Est plus que par la Chine ou le Moyen-Orient même si, concession faite au 21è siècle, le méchant est un terroriste solitaire et non l’état russe tout entier. Également sur le plan géopolitique, l’émergence des nouvelles forces que sont Dubaï ou l’Inde (la mégalopole de Bombay) est traitée uniquement via l’agrandissement du terrain de jeu qu’elle offre – ce sont de nouveaux lieux avec de nouvelles spécificités à mettre à profit dans l’élaboration de séquences d’action. Les progrès supersoniques de la technologie sont notés, et exploités dans la création des gadgets divers possédés par l’équipe d’agents secrets réunie autour d’Ethan Hunt / Tom Cruise, mais cette sophistication est à double tranchant et finit inévitablement par se retourner contre les utilisateurs. Le scénario prend un malin plaisir à trouver à chaque fois le grain de sable (défaut technique ou cas de figure mettant la machine en échec) qui va forcer les héros à s’en remettre au système D et aux capacités physiques et intellectuelles purement humaines. Pour finir, Mission : Impossible 4 reste insensible à l’attrait de la nouveauté pour la nouveauté jusque dans sa nature de blockbuster, puisqu’à la 3D il a été préféré le bon vieux format Imax comme argument de vente complémentaire.
Imax dont je n’ai pas profité moi-même, mais que je conseille chaudement à ceux qui ont la chance d’avoir une telle salle à proximité car il doit incontestablement être exploité à plein par les scènes phares du film, au Kremlin d’abord puis dans et sur la tour Burj Khalifa de Dubaï (la plus haute du monde), et rendre celles-ci plus impressionnantes encore. Sur écran classique, on en prend déjà plein les yeux tout au long de ces deux premiers actes de l’aventure. Mission : Impossible 4 déroule alors devant nos yeux la quintessence du cinéma d’action à grand spectacle, enchaînant quantité d’idées brillantes de situations, et de leurs renversements, sur un rythme échevelé que ne vient enrayer aucune pause importune. Pendant plus d’une heure s’affirme sans contestation la prééminence de l’action sur l’explication, de la course (qu’elle soit poursuite ou contre la montre) sur le dialogue. Le film affiche crânement ses partis pris tranchés – oui à la jouissance de l’instant du grand-huit des dangers et péripéties, non à la justification réaliste et complète de ses fondations – et nous enjoint à le rallier dans l’ivresse de sa folle virée. C’est un appel auquel il est bien difficile de résister, car Mission : Impossible 4 marche alors sur l’eau dans sa mise en images et en mouvement de ses idées et velléités.
C’est au réalisateur Brad Bird que l’on doit la limpidité formidable à l’œuvre dans l’expression purement visuelle des épreuves que doivent surmonter les héros, et des trouvailles et accessoires dont ils se servent dans ce but. Tom Cruise producteur a pris un risque rare à Hollywood en confiant la mise en scène à un débutant à ce poste. L’audace est récompensée, même si le risque restait calculé – comme JJ Abrams pour qui Mission : Impossible 3 était son premier long-métrage comme réalisateur, Bird n’a pas grand-chose à voir avec un novice tombé de la dernière pluie. Les prises de vues réelles sont une nouveauté pour lui mais son CV en animation a de quoi impressionner, entre Le géant de fer et Les indestructibles. Mission : Impossible 4 se place clairement dans la lignée de ce dernier, chef-d’œuvre d’entre les chefs-d’œuvre de chez Pixar. Sa colonne vertébrale est faite du même alliage de foi absolue en la force du cinéma d’action fait au premier degré, et de décalage habile dosé juste ce qu’il faut pour créer un esprit de connivence enjoué sans glisser dans le cynisme nocif. La scène d’ouverture, qui accomplit la métamorphose d’une émeute carcérale en ballet de comédie musicale, est une rampe de lancement rêvée ; le gargantuesque festin d’action à Dubaï, qui enchaîne les plats aussi succulents les uns que les autres sans jamais nous peser sur l’estomac, est l’apogée extraordinaire de la trajectoire du film.
Le retour sur terre qui a lieu par la suite n’en est que plus rude. Une fois le bac à sable (au propre comme au figuré) de Dubaï dans le rétroviseur, Mission : Impossible 4 semble à bout de souffle et d’idées. Pour tout dire, la seule digne de ce nom est une reprise, adroite mais peu originale donc, d’un des morceaux de bravoure du tout premier épisode de la série… Le reste est beaucoup trop anodin et trivial pour éviter que le pire se produise ; que le film se trouve rattrapé par les défauts de taille nichés dans ses fondations. Des membres d’appoint de l’équipe inconsistants – si Simon Pegg et Paula Patton s’en sortent tant bien que mal, Jeremy Renner (Démineurs, The town) est lui largement sous-exploité –, un méchant ni crédible ni menaçant, et une affinité pour les pathos, dons de soi et bons sentiments sirupeux emblématiques des héros à l’ancienne, dont l’épilogue calamiteux du film permet de se rendre compte une fois de plus à quel point ils ont mal vieilli et sont désormais totalement obsolètes. Le vieux est parfois l’ennemi du bien. Il ramène Mission : Impossible 4 du statut de postulant à l’élite des blockbusters au rang de divertissement légèrement au-dessus de la moyenne.