• Ma 6-T va crack-er, de Jean-François Richet (France, 1997)

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Quand ?

Mercredi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Deuxième long-métrage de Jean-François Richet après État des lieux, Ma 6-T va cracker est une honorable carte de visite sur laquelle sont visibles les qualités avérées du cinéaste ; mais aussi, déjà, ses lacunes certaines. Ma 6-T va cracker est le prolongement direct d’État des lieux. Il en reprend le thème, de la chronique dure et accusatrice de la vie sans débouché dans les ghettos de banlieue ; et il le porte un cran plus loin, en filmant la cristallisation de ces vexations et écœurements en émeute générale. Le vécu de Richet, qui a grandi dans une cité à Meaux comme les héros de son film, est un atout de poids sur lequel il s’appuie à raison pour doter son portrait de quartiers et de bandes d’une grande véracité. Les embrouilles bénignes ou graves sur lesquelles reposent les vignettes successives, les dialogues qui les font vivre, les états d’âme qui éclatent soudain en monologues révoltés qui frappent juste et fort sur les injustices sociales, tout cela sonne juste. Après coup, on retient particulièrement une amusante scène de drague un peu lourdingue, un refus de laisser entrer en boîte qui fout à juste titre les boules, une comparaison pertinente du pouvoir de nuisance des ouvriers et de celui des jeunes de banlieue.

A travers ce film, Richet manifeste en prime un talent réel dans le domaine de la mise en scènes. L’emploi du pluriel est volontaire, car ce talent s’exprime de manière ponctuelle, dans le cadre net de scènes prises séparément. Là, Richet sait comment faire pour échapper à la franchise vite limitée du style documentaire, du cinéma-vérité. Lui aspire à faire à partir d’un matériau documentaire du cinéma tout court, ce qui est totalement différent. Et qu’il y parvienne malgré les contraintes s’imposant par ailleurs au film – tournage visiblement effectué dans l’urgence et avec des moyens limités, acteurs non professionnels à la qualité de jeu très disparate – force encore plus le respect. Il y a fréquemment dans Ma 6-T va cracker des exemples de cinéma formellement puissant, où la réalisation déploie un mélange d’énergie et de discernement qui rend la séquence bien plus marquante qu’elle ne l’est sur le papier. Cette fois, c’est d’une partie de basket qui dégénère et d’une course-poursuite à en perdre haleine entre jeunes et flics dont l’on se souvient. Mais même un fait aussi simple que le trajet à pied de trois personnages d’une barre HLM à une autre peut se voir complètement magnifié par le choix de cadrage et par l’utilisation d’une bande-son rap excellente.

Dans son ensemble, Ma 6-T va cracker est un grand film rap comme il existe de grands films rock : ses visions, son rythme, ses tensions sont en totale harmonie avec la musique qui le porte. On aurait aimé que ce soit un grand film tout court, mais l’incapacité – que l’on sait désormais chronique – de Richet à faire de ses longs-métrages plus que la somme de leurs parties, à en faire des lignes continues et non en pointillé, se met en travers de cela. Ma 6-T va cracker n’est sur ce point ni meilleur ni pire que ses successeurs De l’amour et le diptyque sur Mesrine. Il est par contre du coup inférieur à La haine, pour s’en tenir à cette seule comparaison entre ces deux films cousins : impossible de retrouver dans le film de Richet l’intensité et la consistance du message d’avertissement porté en bout de course par celui de Kassovitz. En réduisant crûment la portée de son final à celle d’un clip de rap, Ma 6-T va cracker transforme sa collaboration avec cette musique en une allégeance malheureusement réductrice.

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