• Les bien-aimés, de Christophe Honoré (France, 2011)

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Où ?

Au cinéma La Bastille

Quand ?

Mercredi soir, à 21h30

Avec qui ?

Une apprentie webdesigner

Et alors ?

Les résultats du check-up annuel de Christophe Honoré ne sont pas bons. Alors que le simple souvenir de sa trilogie adulescente et parisienne magique Dans ParisLes chansons d’amourLa belle personne suffit encore à enchanter, Les bien-aimés vient en effet conclure de très mauvaise manière une deuxième trilogie, autrement moins fameuse. Comme ses prédécesseurs Non ma fille tu n’iras pas danser et Homme au bain, ce nouveau long-métrage se veut appartenant au clan des œuvres sérieuses, matures, ou en tout cas concentrant toutes ses forces pour en trouver le chemin. Cela fait désormais trois fois qu’Honoré essaye, et trois fois qu’il échoue à convaincre sur ce thème. Le problème est que chaque tentative est pire que la précédente. Non ma fille…, malgré ses tâtonnements, gagnait notre sympathie et notre considération (encore qu’il faudrait peut-être le revoir hors du contexte de sa sortie, dans le sillage des trois glorieuses du réalisateur). Homme au bain sonnait creux mais intéressait encore pour le travail formel accompli. Et Les bien-aimés ? Là, je suis presque à court de choses positives à dire à son sujet.

Le récit paraissait pourtant ambitieux. Il propose une version exacerbée du mouvement d’ouverture par Honoré de son univers parisien et contemporain à d’autres temporalités (la praenthèse médiévale de Non ma fille…) et localités (New York dans Homme au bain). Les bien-aimés balaye un demi-siècle d’histoire, avec des escales à Prague à l’époque du bloc soviétique et à Montréal au moment – littéralement – des attentats contre le World Trade Center. On y va à Reims, aussi, mais là sans véritable raison si ce n’est que c’est à moins d’une heure de TGV de Paris, ce qui facilite l’aspect logistique de la double vie amoureuse de l’héroïne Madeleine / Catherine Deneuve. Son mari vit à Reims, tandis que l’attend à Paris son ex-mari – tchèque, d’où Prague – du temps où elle était jeune et interprétée par Ludivine Sagnier. Cet ex est aussi le père de sa fille, Véra / Chiara Mastroianni. Le tableau sentimental du film est complet une fois précisé que Véra, au même âge que sa mère, hésite à son tour entre deux hommes ; le choix de la raison, Clément, et le choix du cœur, Henderson.

La partie du film située dans les années 60-70 fonctionne encore à peu près. La légèreté des âmes et le chatoiement des couleurs qui sont les attributs typiques de cette période (ou tout du moins du souvenir reconstitué a posteriori que nous en avons) forment des contrepoids idéaux à la gravité et à l’amoralité dont les situations font preuve au fond. On fait le tapin juste pour se payer des chaussures de luxe, on tombe amoureux et même on se marie entre pute et client, à Prague on fuit la menace communiste plus par lâcheté qu’autre chose, on couche avec son mari et son ex dans la même après-midi ; mais quand on fait tout cela c’est avec un élan trompe-la-mort et la probité tel qu’il nous emporte à notre tour, de notre côté de l’écran. Héros et spectateurs signent ainsi un accord tacite pour jouir de l’instant plutôt que morfondre de la présence de démons et dilemmes impossibles à éliminer, sans pour autant être dupes. [Les trois meilleurs des films d'Honoré ne racontaient eux-mêmes pas autre chose que la lutte entre ces deux manières de vivre].

Mais déjà là quelque chose cloche. Les chansons, pourtant signées comme d’habitude Alex Beaupain, n’accrochent ni l’oreille ni l’esprit, la faute à un manque chronique d’inspiration. Le charme et la verve des Chansons d’amour se sont complètement évaporés. Et une fois le récit rentré dans sa portion moderne[1], c’est à l’ensemble de l’œuvre que ce diagnostic s’applique. Du film majeur d’Honoré qu’est Les chansons d’amour, il ne subsiste dans Les bien-aimés qu’un écho lointain mais encore suffisamment prégnant pour être douloureux. Il sera difficile au cinéaste de nier qu’il a cherché à reproduire les mêmes formules en espérant la même réussite – au mieux il l’a fait de manière inconsciente, tant l’ensemble du film, de sa charpente à ses finitions, en recycle les ficelles et éléments. Honoré s’auto-plagie, voire même s’auto-caricature. Là où dans Les chansons d’amour il n’était question que de spontanéité et de sublimation, tout ici semble factice, calculé, et même franchement excessif parfois comme pour compenser l’absence d’une étincelle de vie. Une chanson du groupe anglais Pulp a pour titre Bad cover version ; c’est exactement à cela que l’on a affaire ici. Le mauvais mélodrame, dans lequel les situations tragiques sont fabriquées de toutes pièces en vue du but à atteindre, a remplacé le bon, où tout découle naturellement des caractères et des contradictions des protagonistes. Dans Les bien-aimés, ceux-ci sont inexistants, à peine esquissés, de simples hommes et femmes-sandwichs pour les maux majuscules de notre époque. Partant de là, rien de solide ne peut se développer.

[1] la jonction entre les deux temps, une chanson chantée à quatre voix par les versions passée et présente de Madeleine et Véra, étant le seul moment véritablement enthousiasmant du film

2 réponses à “Les bien-aimés, de Christophe Honoré (France, 2011)”

  1. pim_pam dit :

    je suis complètement d’accord sur absolument tout. C’est étonnant souvent les gens ont préféré la deuxième moitié alors que moi aussi j’ai préféré les années 60

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