• La fille du 14 juillet, de Antonin Peretjatko (France, 2013)

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Où ?

Au MK2 Beaubourg, où le film passe encore deux mois après sa sortie (ainsi qu’ici et là dans Paris)

Quand ?

Mardi soir, à 19h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

La fille du 14 juillet croit en la révolution par l’absurde, et en fait une proposition tout ce qu’il y a de plus sérieuse. L’absurde, au sens du non-sens, comme arme unique car se suffisant à elle-même, qui se dégaine en toutes circonstances et ne s’enraye jamais, accablant l’ennemi de rafales continues à la manière d’un AK-47. L’ennemi à renverser est multiple : les crises, les carcans (travail-famille-patrie), les cons en tous genres. Ce n’est pas une raison pour baisser les bras mais au contraire attaquer de plus belle nonsense au poing, sans répit, en convoquant l’esprit des glorieux prédécesseurs qui ont mené la même lutte avec d’autres armes. Ainsi du 14 juillet à la nuit du 4 août, de Louis XVI à la guillotine plusieurs fois activée, le film est mû par les symboles de la mère nourricière des révolutions modernes, la nôtre, la Française. Et quand il aspire à trouver d’autres inspirations, c’est vers 1968 qu’il se tourne, historiquement (les « événements », la Sorbonne) et cinématographiquement – du plus générique au plus spécifique la Nouvelle Vague, Godard, Week-end. Cette quête de filiation n’est pas nostalgique et fétichiste, mais comique et politique. Antonin Peretjatko et sa troupe se raccrochent aux années 60 car ils considèrent que le combat à mener est sensiblement le même, et les adversaires pareillement ridicules et méritant donc d’être ridiculisés.

La dégaine d’ensemble du film, de ses comédiens, de ses accessoires (bagnoles en tête) est notoirement datée, ce qui est au passage une source régulière de joyeux anachronismes puisqu’à côté de cela les personnages possèdent des smartphones, payent en euros, ont Sarkozy puis Hollande puis Sarkozy encore comme Président. Sarkozy encore, car La fille du 14 juillet est une uchronie acide dans laquelle l’été 2012 voit l’instauration d’un état d’urgence, la faute à « la crise ». Les vacances d’été sont stoppées net et la rentrée avancée d’un mois pour remettre les français au travail, du coup les aoûtiens lésés s’en prennent aux juillettistes épargnés, l’armée s’interpose. Tout cela serait drôle si ce n’était pas triste, et justement le film prend le parti d’en rire et de laisser l’accablement à d’autres. L’ensemble de la charge sociale et politique de La fille du 14 juillet est fort intelligemment concentré dans les interstices de son récit – par exemple cette vision fugitive d’une version alternative de La roue de la fortune où l’un des noms à deviner serait « Guy Debord (philosophe) ». Peretjatko fait passer son message révolutionnaire et libertaire, anti-réacs et anti-beaufs, l’air de ne pas y toucher. Ce qui est autrement plus intéressant et plaisant que la méthode du sermon plombant, trop souvent adoptée par la gauche mieux intentionnée que dégourdie.

La fille du 14 juillet est avant tout un beau bordel, fourmillant de gags, de figures, de détournements. C’est Week-end, mais retravaillé de fond en comble à la sauce Panique au village. Du délire animé de Patar et Aubier à celui en prises de vue réelles de Peretjatko, on retrouve les deux mêmes concepts pleinement compatibles : une bande d’amis tous égaux et tous également sots, un road-movie nous faisant passer par quantité de lieux, donc d’ambiances et de genres de cinéma, très divers. Il n’y a dès lors aucune limite à ce que l’imagination, et la bêtise embrassée plutôt qu’embarrassée, du film peuvent concevoir comme idées farfelues de digressions et virages narratifs, lancées à un rythme presque sans ratés. Comme en plus l’envie et surtout le talent (d’écriture et de mise en scène par Peretjatko, d’incarnation par tous les acteurs et actrices) suivent, La fille du 14 juillet est du début à la fin une mutinerie riante et triomphante. À voir et revoir, car ses éclats comiques sont si nombreux qu’il est impossible de ne pas en avoir laissé une grande part au bord de la route, entre la soirée diapos et la fusillade avec les faux et les vrais gendarmes, la rêverie « à la manière de » Tchekhov dans la forêt enneigée et les extraits d’actualités dans les journaux et à la télévision.

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