• La dernière piste, de Kelly Reichardt (USA, 2010)

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Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Dimanche matin, à 11h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Michelle Williams, acte 2. Déjà tête d’affiche de Blue valentine, celle qui compte parmi les actrices les plus en vue de la mouvance indie du cinéma américain a fait à nouveau partie de l’actualité des sorties en salles dès le mercredi suivant, avec cette Dernière piste. Plus qu’une boulimie de tournages de la part de la comédienne, le hasard du calendrier et des retards à géométrie variable en est la cause essentielle : Blue valentine est sorti il y a six mois aux USA alors que le trajet transatlantique de La dernière piste a pris deux mois. Ce second film voit Williams travailler une nouvelle fois avec la réalisatrice Kelly Reichardt, qui lui avait offert un de ses plus beaux rôles à ce jour dans Wendy and Lucy. Mais La dernière piste, comme Blue valentine d’ailleurs, atteste que la période où Williams incarnait les femmes-enfants un peu paumées dans le vaste monde, telle Wendy, est révolue. Les rôles que la comédienne choisit désormais sont déterminés à y voir clair dans la vie, et à obtenir de leur entourage des réponses et des actes allant dans ce sens.

Dans La dernière piste, Michelle Williams / Emily Tetherow appartient à un groupe de pionniers parti à la conquête de l’Ouest à l’écart de la troupe, en ayant accordé leur confiance à un trappeur leur ayant promis un raccourci à travers l’Oregon mais qui s’avère plus beau parleur que réellement compétent. Le film rejoint la progression des trois familles et de leur prétendu guide au milieu de celle-ci, alors que le mal est déjà fait : ils sont perdus au milieu du désert, espérant chaque jour trouver un point d’eau grâce auquel ils n’auront pas à épuiser leurs maigres réserves. Le récit se fait ouvertement depuis le point de vue des femmes, dont les activités et apartés sont considérés avec soin tandis que les conciliabules et tentatives de sauvetage orchestrées par les hommes sont hors champ ou à la limite de celui-ci. Et, partant de ce point très bas qu’est l’état de départ du groupe, il relate la prise de pouvoir d’Emily et à travers elle des femmes. Avec son opposition intransigeante entre les qualités, d’ouverture au monde, d’adaptation, de pondération, démontrées par Emily et les défauts de l’autre sexe (poursuite d’une logique de confrontation, obstination destructrice, refus de reconnaître ses torts…), l’allégorie en question est malheureusement très chargée, comme l’est finalement tout ce qui relève du message endossé par le film.

La dernière piste ploie sous la somme de ce que l’on attend de lui qu’il exprime par-delà les images. Peu d’éléments, au sein de ce que le film montre concrètement à l’écran, ne sont pas écrasés par ce surmoi dogmatique à commencer par le plus important, les personnages. Tous et toutes sont réduits à la combinaison de deux choses : matériellement, leur chariot qui contient l’ensemble de leurs possessions, et psychologiquement leur attitude vis-à-vis de l’enjeu unique de l’histoire, le manque d’eau. Ils sont dépossédés de leur individualité, de leur existence en tant que personnes et non simples archétypes au service d’une démonstration. L’aridité qui frappe d’une manière générale le film se fissure quelque peu avec l’apparition d’un élément extérieur perturbateur, sous les traits d’un indien aux intentions rendues mystérieuses par l’impossibilité de la communication. La nécessité de faire un choix face à cet inconnu, cette altérité, revitalise les membres du groupe, que ce soit par la peur panique qui les envahit ou le pari de la foi qu’ils décident de faire. Cette bouffée d’air ne suffit toutefois pas à rendre la parabole collective moins pesante, ni à réduire les regrets suscités par un film démontrant par d’autres aspects un réel potentiel. L’observation du grand écart dans le rapport au temps entre aujourd’hui et l’époque du film, pourtant pas si éloignée (1845), est ainsi plutôt bien vue : on ressent foncièrement la durée et l’énergie requises par la réalisation d’actions pratiques telles que charger un fusil, changer un essieu, et bien évidemment effectuer la cartographie pratique d’une région du monde. Plus intéressante encore est la mise en scène de Reichardt, dont la pierre angulaire évidente est le choix de « l’antique » format 4/3. Celui-ci permet de casser la perspective du décor environnant, et de recentrer le film exclusivement sur les personnages, leur présent immédiat, et donc leur absence totale de prise sur leur avenir. Dommage que la cinéaste n’ait pas fait preuve du même genre de perspicacité dans le développement du propos de son film.

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