- Accueil
- Dans les salles
- Cinéastes
- Pas morts
- Vivants
- Abdellatif Kechiche
- Arnaud Desplechin
- Brian de Palma
- Christophe Honoré
- Christopher Nolan
- Clint Eastwood
- Coen brothers
- Darren Aronofsky
- David Fincher
- David Lynch
- Francis Ford Coppola
- Gaspar Noé
- James Gray
- Johnnie To
- Manoel de Oliveira
- Martin Scorsese
- Michael Mann
- Olivier Assayas
- Paul Thomas Anderson
- Paul Verhoeven
- Quentin Tarantino
- Ridley Scott
- Robert Zemeckis
- Roman Polanski
- Steven Spielberg
- Tim Burton
- USA
- France
- Et ailleurs...
- Genre !
- A la maison
- Mais aussi
- RSS >>
- La dame en noir, de James Watkins (Angleterre, 2012)
Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!
A l’UGC George V
Quand ?
Mercredi soir, à 20h30
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
L’ensemble de la promo et des discussions autour de la sortie de La dame en noir a tourné autour d’un seul et même sujet : le premier rôle du reste de la carrière de Daniel Radcliffe après Harry Potter. Sujet somme toute dérisoire, à double titre. Déjà car Radcliffe a grandi plus vite que son rôle d’enfant acteur, à un tel point que les derniers épisodes tenaient du rôle de composition ; et, pour se recentrer sur le long-métrage qui nous intéresse ici, parce que La dame en noir n’a rien d’un film d’acteur et tout d’un film de réalisateur. Lequel a pour nom James Watkins, pour CV l’incisif slasher Eden lake (starring Kelly Reilly et Michael Fassbender), et semble bien avoir les épaules suffisamment solides pour maintenir à flot à lui seul, du haut de ses 33 ans, un cinéma d’horreur anglais plutôt atone ces derniers temps. Dans un tout autre registre, La dame en noir constitue en effet une réussite presque aussi franche qu’Eden lake.
L’écart de niveau entre les deux doit plus aux cadres dans lesquels ils s’inscrivent l’un et l’autre. Un slasher aura toujours le potentiel pour viser plus haut et taper plus fort qu’un film d’épouvante – même si les contre-exemples existent, évidemment, lorsqu’un slasher oublie d’être intelligent (tous les navetons hollywoodiens pour ados) ou qu’une œuvre d’ambiance retourne celle-ci pour s’en servir de miroir grossissant les névroses de ses personnages (La maison du diable). La dame en noir ne boxe pas dans cette catégorie spéciale, ce n’est pas son ambition. Plutôt qu’un chemin de traverse, Watkins suit la route goudronnée par des décennies de nouvelles littéraires gothiques et leurs adaptations au cinéma. Un village loin de tout, à sa lisière une maison frappée par un drame familial atroce, des fantômes agents d’une malédiction vengeresse, un héros (Radcliffe) étranger à ce monde clos et qui va en découvrir les secrets à ses dépends : sur le papier rien ne manque à l’appel, rien ne dépasse.
De cette route touristique, La dame en noir propose un parcours léché et prenant, moderne et non dénué d’une certaine ambition. La modernité du film, qui lui évite de n’être qu’un fac-similé rendant un hommage aussi fidèle qu’inutile à l’âge d’or de son genre, lui vient de la manière qu’a Watkins de faire muer l’archétype du héros passif, subissant les événements horrifiques sans avoir de prise sur eux. Il le traite comme le ferait un jeu vidéo de survival horror (Silent Hill, Project Zero), radicalisant sa vulnérabilité ainsi que le partage de celle-ci avec le spectateur au cours de longues séquences muettes d’exploration du manoir hanté, où alternent suivant le bon dosage collecte d’indices et scare jumps. L’impuissance du personnage n’est plus un moyen, justifiant in fine sa perte, mais l’essence de sa personne, contribuant à faire du film l’expérience angoissante et accablante d’une fragilité totale. Là se niche l’ambition discrète mais franche du réalisateur : le concept de maison hantée est décanté au maximum, dépouillé de tous ses ornements narratifs ou allégoriques réguliers pour ne laisser que la sensation de peur en soi, pour soi.
L’essai de Watkins est transformé car il a un vrai sens de l’esthétique et du découpage. La dame en noir est d’une beauté redoutable et constante, dans la désolation de son ambiance, les contrastes de sa photographie, les détails lugubres de ses décors, les compositions de ses plans. Ces dernières permettent aux phénomènes surnaturels (apparitions, possessions et autres) d’exprimer pleinement leur capacité à effrayer ; de même que la gestion très accomplie de la disjonction entre les différents ensembles du récit – le village et le manoir, les vivants et les morts, les adultes et les enfants, ceux qui croient à la malédiction et ceux qui n’y croient pas – entretient de bout en bout l’atmosphère funeste et oppressante à l’œuvre. Un bon film d’horreur sait l’importance qu’il y a à tracer des frontières tranchées entre des territoires, ainsi isolés, et à souligner le danger qui accompagne la transgression de ces frontières. La dame en noir est un bon film d’horreur, une toile de petit maître dirait-on en peinture, à peine égratignée par un final trop précipité.