• La bataille de la montagne du tigre, de Tsui Hark (Chine, 2014)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Mardi soir, à 19h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Pendant deux heures et quart sur les deux heures vingt qu’il dure – autant dire pendant longtemps –, La bataille de la montagne du tigre ne présente aucun intérêt. Distribué dans les salles françaises sur le seul nom prestigieux de son réalisateur, le film a été produit par la Chine pour son marché intérieur, sur la base d’un opéra de propagande composé lors de la Révolution Culturelle. Célébrant l’héroïsme de l’« Armée de Libération Populaire », et sa supériorité sur celle du Kuomintang, « l’autre » Chine (aujourd’hui retranchée à Taïwan), cet opéra se voit ici adapté une fois de plus au cinéma, avec les grands moyens et les gros sabots propres aux films de matraquage nationaliste et guerrier, quelle que soit leur provenance. Le manichéisme et la médiocrité des poncifs ne connaissent pas de frontières… De sorte que si vous avez déjà vu ne serait-ce qu’un film exaltant l’armée américaine durant la Seconde Guerre Mondiale (je prends les USA comme exemple car ils ont été le plus gros fournisseur de telles productions), vous avez pour ainsi dire déjà vu La bataille de la montagne du tigre – aux images de synthèse malhabiles et au jeu douteux des comédiens près (le cinéma de divertissement chinois n’a jamais été très regardant sur ces deux aspects).

Comme John Ford, Howard Hawks et tant d’autres dans les années 1940, Tsui Hark sert de caution à cette entreprise d’édification en force des masses, où les vertus et talents des gentils n’ont d’égal que le soin maniaque, visant la jubilation du public comme à Guignol, mis à décimer les rangs ennemis quasiment un par un – la durée marathon du film vient en partie de cette détermination à nous montrer chaque impact éliminant un méchant. Le grimage caricatural de ces derniers, qui leur donne une allure à moitié bestiale et qui permet aux acteurs (dont Tony Leung Ka Fai) de s’en donner à cœur-joie, est presque à sauver ; presque, car la finalité idéologique et non pas ludique du geste – accentuer le contraste entre les méchants monstrueux et les gentils parfaits sous tous rapports – reste sans cesse trop évidente pour être ignorée. Pendant deux heures et quart Tsui Hark n’est qu’un simple exécutant, dont le rôle se limite à être le garant de l’efficacité du divertissement et de la limpidité de « l’instruction ». Il fait son boulot d’agent de la propagande, comme Zhang Yimou sur Hero ou le récent Coming home, glissant çà et là un plan singulier, tissant son habituel découpage parfait, mais toujours au service d’une œuvre sans intérêt.

Son seul acte de résistance ludique vient après la mention « directed by Tsui Hark » – mais quel acte. Il prend la forme d’une fin alternative, tellement renversante qu’elle nous ferait presque (encore) oublier les 135 minutes de purge que l’on vient de subir. La séquence en soi est déjà prodigieuse, avec une inventivité, une énergie, une audace, un aplomb soudain ressuscités et rappelant que Tsui Hark n’est pas l’un des seigneurs du cinéma d’action mondial pour rien. La manière dont la scène est propulsée dans le film, à la plus grande surprise du public et à contresens de la situation du récit à ce moment-là, est plus folle encore. C’est un geste méta qui tourne au sabotage par le cinéma, l’hommage à l’armée de Mao atteignant son paroxysme lorsque Hark le brise net avec sa digression jouissive, et affranchie de tout poids doctrinal pesant sur ses épaules. Hark s’amuse, nous épate, et nous glisse le message qu’il est toujours bien lui-même. Alors pour notre part on lui fait confiance, on passe à la trappe ce film contraint et on chérit son post-scriptum en espérant qu’il augure du meilleur pour la suite.

Laisser un commentaire