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- Il était une forêt, de Luc Jacquet (France, 2013)
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Au ciné-cité les Halles
Quand ?
Mardi soir, à 19h
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Après la banquise de La marche de l’empereur et le massif du Jura pour Le renard et l’enfant, Luc Jacquet poursuit sa migration depuis les contrées froides vers des terres plus chaudes en plaçant son nouveau film au plus profond d’une forêt équatoriale du Gabon. Le cinéaste derrière sa caméra, et nous devant l’écran, nous y enfonçons sur l’invitation du botaniste Francis Hallé, qui a consacré sa vie à l’étude de ces écosystèmes si spécifiques, et d’une richesse extraordinaire. Régulièrement présent à l’écran, Hallé sert d’unique point de repère humain au sein d’un monde qui n’entretient aucune interaction avec notre espèce – hormis lorsque nous venons le détruire à coups de bulldozers. Ce monde sans l’homme, Il était une forêt le respecte scrupuleusement comme tel, et rend la présence humaine la plus effacée possible : Hallé ne bouge pas, ne parle pas (sa voix est off), ne touche à rien mais se contente d’observer, et d’admirer. Il est l’intermédiaire faisant le lien entre nous et eux, les arbres et leurs multiples affidés.
Il était une forêt comporte cette très belle phrase, « si les hommes sont les maîtres de l’espace, les arbres eux sont les maîtres du temps ». La distinction est encore plus marquée lorsque l’on prend en considération le cinéma des hommes, art où le contrôle de l’espace est total et où le temps est un condensé de celui que nous expérimentons en réalité – lequel est déjà ridiculement éphémère par rapport aux siècles qu’accumulent les arbres. La tâche qui incombe à Jacquet consiste pour l’essentiel en un travail de traduction, du temps vers l’espace ; afin d’exprimer en nos termes, visuels, de cinéma, les rouages qui entretiennent la vie de la forêt, et qui prennent place dans un cadre temporel. Il était une forêt intègre ainsi une dose conséquente d’images de synthèse, d’exécution pas toujours heureuse car inégale mais dont la raison d’être n’est jamais mise à mal. En compagnie d’autres options moins voyantes (montage pour accélérer le temps, déplacements en différents endroits de la forêt pour être témoin de plus d’événements, ce qui revient à comprimer le temps), ces images virtuelles facilitent notre perception du réel et rendent possible notre compréhension en soixante-quinze minutes de phénomènes s’étalant sur sept cent ans.
Ainsi, les images d’Il était une forêt associent à leur beauté une intelligence tout aussi grande. Cette symphonie de visions – toujours superbes, souvent à couper le souffle – nous fait saisir comment un écosystème se perpétue et se régénère par les actions combinées de tous ses éléments. Du plus petit au plus grand, tous jouent leur rôle dans une partition qui les dépasse sans pour autant pouvoir se passer du moindre de ces éléments ; qui fait de ces rivaux au quotidien des pairs sur le long terme. Sur ce sujet foisonnant, abordé sans viser une impossible exhaustivité mais avec un parfait mélange de sérieux et de passion, la combinaison des textes de Hallé et des images de Jacquet aboutit à un propos joliment didactique. Le pari de nous faire changer de perspective est pleinement réussi, et contiendra forcément une poignée de choses venant en prime enrichir vos connaissances. Pour ma part, le fait que les arbres parviennent à provoquer la pluie ou à « appeler » les animaux ; et puis la découverte de cette ordure de première classe qu’est le figuier étrangleur.