Où ?

Au ciné-cité Bercy

Quand ?

Mercredi, jour de la sortie, à 19h

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Laurent Cantet a eu raison et tort de profiter du surcroît temporaire de notoriété conféré par la remise de la Palme d’Or à son excellent Entre les murs. Raison, car cela a ouvert la meilleure, sinon la seule, fenêtre d’opportunité pour lui de réaliser un film du calibre de Foxfire. Tort, car il apparaît que le cinéma pratiqué à cette échelle-là ne lui correspond pas. Avant Entre les murs, le précédent long-métrage de Cantet, Vers le Sud, l’avait d’ailleurs signalé une première fois. Le cinéaste s’y essayait déjà à quitter la France, et ses structures sociales qu’il sait si bien représenter (l’école, mais aussi l’entreprise dans Ressources humaines et L’emploi du temps), en direction d’un ailleurs lointain où l’attend un sujet de poids, qui le passionne intellectuellement mais dans lequel il ne trouve pas à s’impliquer effectivement. Le phénomène se reproduit à l’identique pour Foxfire : deux films ratés pour les mêmes raisons, cela ne relève plus du hasard.

Foxfire est l’adaptation d’un roman de Joyce Carol Oates qui, comme son sous-titre (« Confessions d’un gang de filles ») l’indique, retrace les (mé)faits d’un groupe d’adolescentes se rebellant contre l’ordre social et sexuel que l’Amérique rurale des années 50 vise à leur imposer – sois mère ou secrétaire, corvéable et disponible, et tais-toi. Le thème est fort, et potentiellement riche, dans ses nombreuses ramifications (l’articulation du groupe et de l’individu, l’émergence de la conscience politique, les sacrifices requis par l’engagement pour une cause…) et même en son cœur. Car le cinéma est un art profondément machiste, où les œuvres telles que Foxfire dans lesquelles les femmes tiennent les premiers rôles de manière autonome, sans jamais se définir par ce qui les relie aux hommes, sont rares. Mais de tous ces atouts, Cantet ne fait rien ou presque. S’il emprunte au livre son étendue narrative, gardant son récit aux deux parties distinctes et l’étirant sur 2h20, il n’intègre à sa démarche aucune force romanesque. Pas parce qu’il ne peut pas mais parce qu’il ne veut pas, à n’en pas douter : l’enregistrement direct et sans fard des faits a toujours eu sa préférence sur tout autre mode d’expression cinématographique. Mais dans le cas présent ça coince, car rien d’autre que la mise en scène n’aurait été en mesure de créer de la tension au sein de ce film.

En refusant de se lancer dans la mêlée, d’attiser frictions et conflits, Cantet laisse l’action présente se faire étouffer par le récit distant – au passé, par l’une des membres les moins investies dans la lutte – qui en est donné. De plus, à ce filtre le cinéaste en ajoute d’autres, moins volontaires, via les lacunes de son traitement de l’aventure. À l’exception de la meneuse du gang, et dans une plus faible mesure de la narratrice, aucune des filles n’existe de manière satisfaisante ; les mieux loties sont définies par un ou deux laconiques traits de caractère maximum, les autres font de la figuration en arrière-plan. De même, les questions politiques majeures soulevées ici et là – droits des femmes, lutte des classes, racisme, etc. – restent invariablement en friche. Il est probable que Cantet, que l’on sait être plutôt penseur sans illusions qu’idéaliste chargeant tête baissée, ne se laisse jamais aller à croire en l’incendie que ses héroïnes cherchent à provoquer. Par conséquent, Foxfire ne devient à aucun moment le socle d’une réflexion incisive sur la société. Tiède, poli, plat, voilà les qualificatifs qui viennent en tête à son égard.

• Auteurs français contemporains