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- El estudiante, de Santiago Mitre (Argentine, 2012)
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À l’Espace Saint-Michel
Quand ?
Dimanche, à 16h
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
En même temps que le mauvais élève Zero dark thirty, qui croit pouvoir se passer de la politique car il décrit une situation d’exception, est sorti en salles le plus modeste mais bien mieux inspiré El estudiante. 1h50 durant on y colle aux basques de Roque, pour qui l’expérience de la fac à Buenos Aires commence par les cours et les filles, puis migre vers les eaux troubles du pouvoir et de sa conquête, au mépris de tout le reste. Le récit du film de Santiago Mitre (connu comme scénariste des longs-métrages de Pablo Trapero, Leonera, Carancho, prochainement Elefante blanco) est à sens unique, sans possibilité de retour en arrière. Chaque avancée de Roque s’accompagne de l’abandon définitif de ce qu’elle supplée dans sa vie, et du renoncement à toutes les alternatives non retenues. El estudiante progresse sur cette voie en faisant cohabiter en son sein les deux niveaux de lecture de l’action politique tels qu’ils sont dans la réalité : la surface feutrée et engageante de la communication publique, et la vérité crue des stratégies sauvages de trahison et de disqualification menées en coulisses. Mitre met à plat cette pratique du double langage en traitant à égalité les scènes relevant de l’un et de l’autre. Ce qui dessert quelque peu son film, que son détachement apparent vis-à-vis de ce qu’il scrute le place en retrait d’œuvres adoptant une ligne plus tonitruante et rageuse sur le même thème – je pense par exemple à la sensationnelle série Boss, dont je reparlerai très bientôt.
Il ne faut toutefois pas se laisser abuser par les gants de velours d’El estudiante, car ils couvrent une poigne de fer. C’est un film d’une froideur glaciale, qui retourne contre son personnage les méthodes et résolutions qui sont les siennes. Roque est un cynique ambitieux et égoïste, qui évolue au milieu de bêtes de la même trempe et est décidé à se faire une place au sommet, là où se trouve le pouvoir. Que le domaine sur lequel s’étend ce pouvoir soit réduit, car circonscrit aux murs d’une université, n’a aucune importance ; pour la raison que le contexte n’a jamais d’importance, un pouvoir quel qu’il soit se suffit à lui-même comme obsession et finalité. Les idéaux, les opinions divergentes de celles des adversaires, les programmes sont cantonnés aux discours adressés aux votants, mais absents des pensées profondes de Roque et de ses semblables. Par conséquent Mitre les fait peu à peu disparaître du film, tout comme les personnages annexes sont effacés lorsqu’ils perdent leur utilité dans les plans de Roque. Celui-ci séduit, puis jette, au gré des batailles. Certaines sont gagnées, d’autres perdues quand il tombe sur plus retors et déloyal que lui. Dans les eaux troubles d’El estudiante il n’y a ni bons ni méchants, mais des mercenaires au service d’eux seuls, alliés de circonstance un jour, adversaires le lendemain. La seule leçon qu’ils tirent d’une défaite ou d’une humiliation est de mieux préparer l’affrontement suivant, qu’ils ne s’imaginent pas fuir – et qu’ils n’hésitent pas à provoquer. C’est un jeu délétère et sans fin, dont la force centrifuge repousse tout ce qui n’y contribue pas et isole ses participants. Isolement que Mitre traduit visuellement avec une grande force, par une mise en scène multipliant les petits espaces, annulant la profondeur de champ, collant au plus près de ses sujets d’étude.