• Donoma, de Djinn Carrénard (France, 2010)

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Où ?

Au MK2 Beaubourg

Quand ?

Lundi soir, à 21h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Dans ce deuxième semestre 2011 s’est produite une mue du cinéma d’auteur français, suffisamment appuyée et cohérente d’un film à l’autre pour que l’on puisse envisager que ses effets soient durables. Ce qui n’est pas pour me réjouir, tant le fil conducteur de ce renouvellement me laisse sceptique et défiant. Ce que l’on observe est un placardage de d’originalité autoproclamée, au boniment aussi bruyant que ce qu’il nous vend est superficiel, bien plus qu’une révolution de fond en comble et porteuse d’idées fortes et mobilisatrices. Pas de nouvelle Nouvelle Vague en approche, mais une dérive familière où le marketing de l’œuvre d’art créée, sa valeur d’échange, prend le pas sur sa qualité intrinsèque, sa valeur d’usage. L’auteur tout-puissant à la française est toujours bel et bien là, au centre du jeu. Dans Donoma comme dans La guerre est déclarée ou Polisse, autres spécimens de cette évolution en cours, le réalisateur est aussi scénariste et a encore d’autres cordes à son arc – Donzelli et Maïwenn jouent les actrices, Djinn Carrénard se charge de la photographie et du montage. Le hic, c’est que les auteurs next gen tels que ce trio donnent le sentiment qu’ils font des films non plus seulement parce que les sujets les intéressent, mais aussi et avant tout afin de se mettre en avant, de se constituer une image d’artiste.

Donoma est donc le troisième cas net en autant de mois où l’accent n’est plus mis sur le film, mais sur l’association (supposément sensationnelle puisque chacun des éléments l’est) de clés du succès détenues par l’auteur – l’énergie de sa jeunesse qui, c’est bien connu, renverse des montagnes, et son ancrage fort dans la « vraie vie » que tous les autres auraient perdu de vue et qui seul permettrait de réaliser une connexion concrète avec le public. Les deux autres soldats-éclaireurs de ce commando du réel, Donzelli et Maïwenn, tiraient leur label d’authenticité des histoires qu’elles racontaient, une tumeur au cerveau réellement vécue ici, des affaires criminelles réellement traitées là. En aparté, cette obstination du vécu semble envahir toutes les strates du cinéma français – cf. Intouchables (que je n’ai pas vu), et son matraquage autour de l’existence d’individus en chair et en os et en fauteuil roulant derrière les héros de fiction. Et à l’inverse, quand est encore fait le choix de la fiction celle-ci se doit d’être radicalement irréelle – The artist qui envoie Jean Dujardin à Hollywood, dans les années 30, en noir et blanc et en muet. Pour en revenir à Donoma, lui fait entrer le réel dans le cadre par une autre voie, celle de ses conditions de tournage, modèle de système D. La machine du marketing du vrai (charmante oxymore) a suffisamment rabâché la formule du film « fait pour 150 euros », en décors et lumière réels, caméra DV à l’épaule, avec des comédiens amateurs improvisant sur des canevas de séquences.

La première partie, à la croisée de L’esquive et de La vie au ranch (un état d’esprit que l’on retrouvera par bribes par la suite), donne envie de croire en l’essai de Carrénard, en son culot et son altérité. Mais quand arrive le personnage de la photographe, et surtout sa voix-off qui accentue tout ce qu’il a de contrefait et de stéréotypé, le charme se brise et le flirt tourne court. Cette voix-off ampoulée n’est que la première des nombreuses scories propres à la mouvance auteuriste bling-bling qui vont venir s’accumuler à l’écran, et envoyer par le fond Donoma dans un triangle des Bermudes cinématographique dont les pointes sont Lelouch (le récit choral boursouflé), Iñarritu dans ses mauvais jours (les thématiques sociologiques à semelles de plomb : les mégalopoles, la maladie, la religion, le racisme), et la mode actuelle des publicités faussement arty – j’ai pensé à la dernière en date pour Levi’s, d’autres ont cité Kenzo. Sa mise en scène « papillon » (caméra voletant autour des personnages, montage cut tendant vers l’abstraction, musique électro planante molle) met Donoma sur les rails de ce style au rabais, sans identité et sans âme. A l’instar de Donzelli et Maïwenn, Carrénard parait avoir été trop occupé à composer la communication autour du film pour prendre le temps de penser convenablement la forme de celui-ci. C’est ce qu’on appelle mettre la charrue avant les bœufs. Comme en plus leurs personnages sont écrasés sous le poids des multiples symbolismes dont on veut en faire les messagers, ces films de fausse « guérilla » (le qualificatif promotionnel choisi par Carrénard) et de vraie esbroufe finissent par brasser beaucoup de vent pour pas grand-chose.

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