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Le débat concernant Tony Scott a été clos par Man on fire, qui renvoya définitivement dos à dos ceux qui apprécient les exubérances formelles du réalisateur et ceux qui les trouvent vomitives et inintéressantes. Domino ne changera rien à cette donne, car son contenu est très comparable à celui de Man on fire. À commencer par la présence en tête d’affiche d’une star venue casser son image de gentille : en l’occurrence l’étoile montante Keira Knightley, qui troque ses robes virginales de Pirates des Caraïbes et de Orgueil et préjugés pour une panoplie de chasseuse de primes. Le prétexte à cette métamorphose est la vie de Domino Harvey, top-model issue d’une famille bourgeoise qui laissa tomber cet univers doré pour goûter au frisson de l’aventure aux côtés de gros bras mal rasés et tatoués.
La lecture du pitch de Domino amène deux questions : 1) Keira Knightley est-elle bonne (dans son jeu) ? 2) Tony Scott est-il sage (dans sa mise en scène) ? Les réponses à ces questions sont oui, et non. Oui, Keira Knightley s’en sort plus qu’honorablement dans ce rôle de bad girl qui fume, jure et canarde à tout-va, grâce en partie aux contradictions de ce dernier même chasseuse de primes, Domino continue à profiter de la piscine de la villa de maman sur les hauteurs de Beverly Hills. Et non, Tony Scott ne semble absolument pas décidé à se calmer lorsqu’on lui met une – ou plutôt plusieurs – caméra(s) entre les mains. Chaque scène est ainsi submergée par de multiples filtres visuels et sonores, et les jeux avec les sous-titres et les annotations écrites initiés dans Man on fire sont à nouveau de la partie.
Sous ces atours sans surprise, Domino marque cependant une nouvelle étape dans la progression thématique de Tony Scott. Ce qui affleurait dans Spy game (relecture amorale de trente années de contre-espionnage américain) et Man on fire (histoire de vengeance punitive et sadique racontée sans aucun recul) explose en effet ici : le metteur en scène n’a aucun tabou et tient à le faire savoir, quitte à transformer son film en enfilade de scènes plus transgressives les unes que les autres. Faire d’un afghan le membre le plus meurtrier du groupe de chasseurs de primes, arracher un bras au fusil à pompe avec Tom Jones en fond sonore, envoyer tous les personnages dans un trip sous mescaline au milieu du désert plus de trente ans après Easy rider : Scott se permet tout, et surtout l’indéfendable. Y compris exposer au grand jour l’effet produit par Keira Knightley (trois fois plus jeune que lui tout de même) sur sa libido, puisque toutes les occasions sont bonnes pour la placer dans des situations sexy ou graveleuses jean à taille ultra-basse, insinuations lesbiennes, lap dance (!).
Mais s’il y en a une dont Tony Scott est encore plus amoureux, c’est la vraie Domino Harvey. Le metteur en scène n’a absolument aucun recul par rapport à son personnage principal, ce qui nous vaut des séquences fleur bleue d’un premier degré tel qu’il faut se pincer pour y croire. Celles-ci ne sont pas le moindre des paradoxes d’un scénario qui navigue entre le trop plein (en mélangeant allègrement les emprunts à True romance, les nanars à base de chicks with guns, et même une charge anti-Beverly Hills 90210 digne de Brett Easton Ellis, qui atteint son paroxysme quand deux ex-acteurs de la série dans leur propre rôle font office d’« otages célèbres » pour Domino et son équipe) et le vide d’une histoire qui ne raconte en définitive pas grand-chose, au point qu’elle ne possède même pas de véritable conclusion. Cette lacune réduit certes Domino à un gros feu d’artifice tirant dans tous les sens ; mais avec un artificier – un pyromane ? – comme Tony Scott, un tel spectacle est plus du genre jouissif que décevant.