- Accueil
- Dans les salles
- Cinéastes
- Pas morts
- Vivants
- Abdellatif Kechiche
- Arnaud Desplechin
- Brian de Palma
- Christophe Honoré
- Christopher Nolan
- Clint Eastwood
- Coen brothers
- Darren Aronofsky
- David Fincher
- David Lynch
- Francis Ford Coppola
- Gaspar Noé
- James Gray
- Johnnie To
- Manoel de Oliveira
- Martin Scorsese
- Michael Mann
- Olivier Assayas
- Paul Thomas Anderson
- Paul Verhoeven
- Quentin Tarantino
- Ridley Scott
- Robert Zemeckis
- Roman Polanski
- Steven Spielberg
- Tim Burton
- USA
- France
- Et ailleurs...
- Genre !
- A la maison
- Mais aussi
- RSS >>
- Flesh for cash : Django unchained, de Quentin Tarantino (USA, 2012)
Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!
Au Max Linder Panorama, bien rempli pour l’occasion (et encore plus pour la séance suivante, à 14h)
Quand ?
Dimanche matin, en bravant la neige
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
Quentin Tarantino est un cinéaste qui dit ce qu’il fait, et qui fait ce qu’il dit. Après « son » film prenant place lors de la Seconde Guerre Mondiale, Inglourious basterds, voici « son » western, autre genre qu’il aspirait à pratiquer depuis toujours (et auquel il ne s’est jamais privé d’emprunter des motifs pour les greffer à d’autres univers). Django unchained est son nom, et Django tout court son aïeul – chaque long-métrage de Tarantino en a un. Django senior était européen, un western spaghetti signé par l’autre Sergio (Corbucci, éclipsé par Leone et pourtant aussi talentueux) et incarné par Franco Nero. Django junior est américain, et surtout noir, interprété par Jamie Foxx. Cette démarche de changer la couleur de peau du héros se trouvait déjà au cœur de Jackie Brown. Le monde est ainsi fait qu’elle n’est pas anodine, mais porteuse d’une charge sociale qui, dans le contexte de Django unchained, devient fortement explosive. Car nous sommes en 1858, dans les États du Sud des USA comptant parmi les plus ségrégationnistes au point d’en tirer une fierté arrogante.
Le ton est donné dès le premier plan du film. La vue de ce dos nu, zébré des cicatrices des coups de fouet répétés, appartenant à un esclave noir marchant les fers aux pieds traîné par un blanc à cheval s’affirme instantanément comme l’image la plus dure que Tarantino nous a jamais infligée – un titre qu’elle perdra au profit d’autres plus tard dans le film. À contre-pied de toute sa filmographie jusqu’à aujourd’hui, la violence n’est soudain plus un outil utilisé par le cinéaste à des seules fins de fiction (narration, émotions provoquées). Elle est vectrice d’un sens qui déborde clairement du cadre du film pour pénétrer le domaine du débat d’idées public. Aussi extravagant que cela puisse paraître, Tarantino a réalisé avec Django unchained un film à thèse. Bien sûr il le fait à sa manière, inorthodoxe, empruntant au mode opératoire des brûlots politiques grimés en films d’horreur dans les années 1970. Le propos est véhiculé par des paroles et des situations accusatrices, un peu ; pilonné par des flambées subites de violence hurlante et révoltante, énormément. Déchargé de tout souci de vérité et d’exhaustivité historique, devoirs qu’il laisse volontiers à d’autres, frappant au niveau des tripes plutôt que les esprits au moyen d’une mise en scène qui n’a jamais été autant physique, Tarantino signe un des films les plus puissants qui soient (peut-être le plus puissant ?) sur l’esclavage.
Sa décision de se concentrer sur les forces qui sont sans discussion les siennes, le cinéma bis et le mélange des genres, est spectaculairement payante. Sa version de Django accole un élément de base du western spaghetti, la quête de vengeance du héros (avec révélation de sa justification par le biais de flashbacks chauffés à blanc[1]), et donc ce geste caractéristique de l’horreur gore qu’est le déchaînement d’éclairs de pure sauvagerie, comme autant de grenades à fragmentation dévastatrices. Face à ces scènes qui enfoncent le clou des balafres de fouet ayant ouvert le film, on détourne à plusieurs reprises le regard, chose inédite dans un Tarantino. Cette violence-là, qui recouvre le monde de Django unchained, le réalisateur ne peut l’apprivoiser. Elle agit fatalement comme un repoussoir car, contrairement à ce qui était de mise dans ses longs-métrages précédents, elle n’intervient pas entre des adversaires individuels et de même valeur, mais constitue le bras armé (et immodéré) d’un système de domination et d’humiliation de tout un collectif par un autre.
Une très belle idée de Django unchained (parmi cent autres) est de placer cette problématique nouvelle du rapport à la violence au cœur de son récit, en en faisant faire l’expérience directe à l’un des personnages. Le chasseur de primes King Schultz libère Django par calcul servant ses propres intérêts ; il l’inspire et l’épaule dans sa mue en héros romantique par amitié et goût de l’aventure ; mais c’est bien à la suite d’une prise de conscience morale qu’il va faire le choix radical amorçant le renversement du pouvoir esclavagiste, ici symbolisé par la plantation « Candyland ». L’outsider du récit, entre les figures du passé, profiteurs et exécutants de la ségrégation, et celles de l’avenir, le couple Django-Broomhilda, en est donc également le pivot. Et c’est la violence, quand elle prend une forme inhumaine et injustifiable, qui provoque son engagement entier au service d’une cause plus vitale que sa personne. Avant cette bascule, Schultz avait pourtant une constitution jumelle du colonel Hans Landa d’Inglourious basterds. Il possède une même intelligence supérieure, se déployant similairement dans l’élaboration de mascarades alambiquées visant à joindre l’utile (parvenir à ses fins…) à l’agréable (…en manipulant et mystifiant son monde), et employée dans un même but professionnel – traquer des gens recherchés par les autorités.
Entre Landa et Schultz, le caractère, les moyens et les fins sont identiques, seul change le contexte de la traque. Des juifs recherchés par les nazis, on passe aux criminels recherchés par la justice américaine. Du mal, on passe au bien, ce qui autorise Tarantino à ajouter une couche de vernis comique à tout ce qui a trait à Schultz – sa carriole de dentiste, son accent allemand semi-parodique (à la Werner Herzog), ses manières de fancy pants au milieu des hillbillies dégénérés. On rit abondamment avec lui, et de beaucoup d’autres choses. Django unchained est en effet soumis à une « LuckyLuke-isation » poussée, avec fratries criminelles pas bien futées, Klu Klux Klan balourd, représentants de la loi dépassés et méchant colérique : Calvin Candie, prototype de l’héritier fin de race incapable de faire quoi que ce soit par lui-même, sans recours à un sous-fifre. Entre cartoon burlesque et emportements barbares, l’univers de Django unchained est ambivalent au possible, à l’image des hommes qui le peuplent. À Schultz le chasseur de primes sans pitié mais sympathique, et Candie le despote puéril, s’ajoutent l’éminence grise de ce dernier, Stephen, qui se camoufle sous une allure de vieillard croulant ; et Django, héros naturel du récit, affranchi, intelligent, valeureux – ainsi qu’individualiste, focalisé sur sa quête intime, et dénué de tout intérêt pour le bien-être d’autrui comme pour l’amélioration de la société. Ce carré d’as de personnages fournit évidemment à ses interprètes matière à briller. Les habitués Christoph Waltz et Samuel L. Jackson, les nouveaux venus Jamie Foxx et Leonardo Di Caprio se régalent des variations extrêmes de jeu, indépendamment et en groupe – la poignée de scènes, dans la seconde moitié, où ils sont tous réunis atteignent des sommets d’extase.
Maître ès paradoxes, Tarantino signe donc une œuvre rageuse sur un sujet dont le protagoniste central n’a cure. Tout se passe autour de lui – dans la représentation déjà évoquée de la violence à l’écran, et dans cette idée absolument géniale de plaquer une bande-son hip hop sur des images de western. Là encore, Tarantino quitte le simple domaine du cool, de la musique existant pour elle-même, et donne une signification à la présence de cette dernière. Chaque explosion de rap rend la révolte des opprimés plus tranchante, plus conquérante. Comme Schultz en tant qu’individu, Tarantino évolue en tant qu’artiste au contact d’une cause primordiale. De fait, Django unchained marque possiblement le début d’un nouveau cycle. Cette qualité de deuxième premier film explique les légères imperfections dans le rythme, moins tenu, plus flottant qu’à l’accoutumée – le film est peut-être un poil trop long au regard de ce qu’il raconte. Surtout, ce changement de cap s’accompagne d’un travail de synthèse par Tarantino de son œuvre passée : des rappels de Pulp fiction, Jackie Brown, Kill Bill (énormément, jusqu’à la sublime lumière signé Robert Richardson), Inglourious basterds (beaucoup aussi) sont parsemés un peu partout dans Django unchained, contribuant ici à une scène, là à un dialogue. Il ne faut y voir ni paresse, ni signe d’une inspiration défaillante. Mais l’expression d’un immense savoir-faire de cinéma, narratif aussi bien que visuel, dans les plans comme dans les coupes, qui se renouvelle et s’affine à mesure que l’auteur mûrit.
[1] on peut citer comme références ceux de Et pour quelques dollars de plus et Il était une fois la révolution
Tu peux ajouter le clin d’oeil à Monthy python dans la très hilarante scène des cagoules, digne du sacré Graal ou de la vie de. Brian.
Tarentino à,aussi l’intelligence de ne pas montrer les noirs sont gentils et les blancs méchants.
La violence des scènes est constructrice des personnages jamais gratuite,quiet a être humoristique (dit au revoir à mme lara)
Tres belle image, et comme toujours une banbe son superbe ( le cédérom de Lionel Richie en fin de fusillade : géant)
bien vu pour l’inspiration Monty Python, j’étais tellement focalisé sur les références western que ça m’a échappé, mais c’est très vrai (surtout dans la façon dont la scène s’enfonce dans une folie de plus en plus absurde)