• Divines, de Houda Benyamina (France, 2016)

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A la maison en DVD édité par Diaphana (sortie le 3 janvier 2017) et obtenu via Cinetrafic dans le cadre de leur opération « DVDtrafic »

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En plus de leur tranche d’âge, 15-25 ans, les protagonistes de Divines ont en commun avec ceux de deux films sortis simultanément (Nocturama de Bertrand Bonello et Nerve de Henry Joost & Ariel Schulman) de souffrir d’un imaginaire en crise. Crise qui ne vient pas de l’intérieur – le fruit d’une carence de leur part – mais de l’extérieur, étant imposée par la société consumériste néolibérale au moyen d’une de ses « stratégies du choc ». Ce système ne se contente en effet pas de sa mainmise présente sur notre mode de vie. Il fait le nécessaire pour s’assurer de garder la main dans le futur, essentiellement en bouchant l’horizon des jeunes générations et en leur laissant comme seuls chemins où s’engager des voies dont le caractère préjudiciable, funeste est pourtant un fait établi, mis en lumière de longue date. C’est ainsi que l’on suit les héroïnes de Divines s’enfoncer délibérément dans les mêmes fourvoiements que ceux de La Haine (1995), comme le font – respectivement – ceux de Nerve avec The Truman show (1998) et de Nocturama avec Fight club (1999) ; autant de récits de cinéma datant de leur petite enfance, voire d’avant leur naissance, et faisant dès lors partie de l’héritage qui leur a été remis.

Pour survivre, le capitalisme ne cherche plus l’adhésion des esprits à son utopie, adhésion qu’il sait avoir perdue depuis au moins l’époque de Fight club. Il se contente d’appliquer une politique de la terre brûlée envers les autres utopies potentielles, tuées dans l’œuf afin de laisser ses contradicteurs sans alternative ; dans une impasse. Laquelle impasse se révèle à un degré intime dans l’histoire de Dounia, l’héroïne de Divines. Une scène au début du récit suffit à exposer son rejet du destin d’opprimée corvéable à souhait et indifférenciée au milieu de ses semblables – des études bas de gamme, un travail mal payé et ne laissant espérer aucune évolution. Mais l’action qui suit ce constat, par laquelle Dounia croit trouver son émancipation, n’est qu’un aiguillage sur une autre voie bornée par les mêmes garde-fous. Dounia s’engage, par une candidature spontanée, dans le deal de drogue qui se pratique dans sa cité. Dans ce milieu règnent la même finalité (l’accumulation d’argent), les mêmes rêves façonnés par l’imagerie télévisuelle, la même dynamique d’humiliation imposée par la hiérarchie et les mêmes logiques de domination masculines – des femmes sont au pouvoir mais ce pouvoir est toujours de genre masculin (« t’as du clito » à la place de « t’as des couilles » : le message véhiculé à travers les mots est le même). Le chemin criminel choisi par Dounia diffère de celui qui lui était affecté via l’école uniquement parce qu’il y a plus d’argent à s’y faire à l’arrivée, au prix d’une plus grande violence relationnelle et physique au quotidien.

Divines est une tragédie, parce ce qu’il est évident dès le départ que Dounia ne s’en sortira pas comme ça. Le récit de son parcours pourrait avoir pour titre Requiem for a dream, car comme les héros du livre d’Hubert Selby Jr. et du film de Darren Aronofksy elle est uniquement en demande d’un rêve. Sur la route de celui-ci, sa perte va être causée par le gouffre entre son contrôle réel – quasiment nul – sur les événements (la consommation de drogue dans Requiem for a dream, son trafic dans Divines), et l’illusion qu’elle s’en fait. La tragédie de Dounia est redoublée par le fait qu’elle marche scrupuleusement dans les pas de celle racontée par La Haine, il y a vingt ans de cela. Comme le personnage interprété par Vincent Cassel, Dounia joue à faire le caïd devant son miroir (ici un écran de smartphone) ; elle et sa copine Maimouna partiront ensuite en virée à Paris, où elles trouveront plus d’argent mais aussi plus de danger que dans leur banlieue ; et un décès final accidentel et profondément injuste clôturera leur aventure. Vingt ans après le cri de La Haine, rien n’a changé – on sentirait même une régression (Dounia vit dans un bidonville, à Paris elle et Maimouna ne croisent pas de membres d’autres classes sociales comme cela se produisait dans La haine). Vingt ans après La haine, la société n’a toujours à offrir à Dounia et Maimouna que l’atterrissage brutal au bout de la chute.

Le DVD du film offre un ensemble de bonus classiques (entretiens, scènes coupées dont une amusante relecture des Aristochats, court making-of) et de bonne facture, où l’on glane d’intéressantes informations et anecdotes : le projet avait pour premier titre « Bâtardes », et son auteure Houda Benyamina avait à la fois une idée très claire de ce qu’elle voulait accomplir (la détermination à comprendre sans juger, la création d’une connexion entre le fond et la forme – qui s’exprime par exemple dans l’emploi des souterrains pour symboliser par l’image la part sombre de la personnalité de Dounia) et était pleinement ouverte aux apports et aux idées de ses collaborateurs, à tous les stades de la création. Ce qui a permis, entre autres choses, que ce film au récit complexe (de par sa quantité de protagonistes et de pistes narratives) se construise au montage jusqu’à trouver sa forme aboutie, à la hauteur des ambitions de sa réalisatrice.

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