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- De la schizophrénie aiguë en milieu hollywoodien : The Mask, de Chuck Russell (USA, 1994)
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A la maison, en DVD (édité par Metropolitan)
Quand ?
Samedi soir
Avec qui ?
MaFemme
Et alors ?
L’embarras persistant des studios hollywoodiens dès lors qu’il s’agit d’aborder les pulsions « inconvenantes » que sont le sexe, la brutalité, la méchanceté, se transforme en véritable schizophrénie quand les effets de ces penchants produisent une lame de fond impossible à contenir. En parallèle de leur expression franche à l’écran s’établit alors, dans le même film, une tentative de contre-feu où sont mis en exergue les enseignements surannés du bon blockbuster familial et ne faisant pas de vague. The Mask est un cas d’école de cette fragmentation, chacune des deux facettes de son héros correspondant fidèlement à l’un ou l’autre des pôles d’influence, le bienséant et l’indécent. Le jour, Stanley Ipkiss est… Stanley Ipkiss, jeune homme bien sous tous rapports, gentil (le genre à tendre l’autre joue), ayant une situation dans la moyenne et un chien. La nuit, Stanley Ipkiss devient The Mask, entité dotée de pouvoirs surhumains (limités par la seule imagination des scénaristes) et d’un très mauvais fond. Ses actions sont intégralement motivées par la luxure, la vengeance à l’égard de ceux qui s’en sont pris à lui, et le plaisir malin de la mise à sac totale des biens physiques et des valeurs morales.
Etant entièrement dévolu au suivi de Stanley, The Mask devient bipolaire au-delà de tout espoir de guérison. Il est parfois enfermé dans un sarcophage de comédie romantique de bas étage, avec faire-valoir risibles, méchants mafieux de pacotille, esthétique 90’s qui pique les yeux et un chien. Ces séquences sont difficiles à supporter, particulièrement quand les scénaristes se tirent une balle dans chaque pied en décidant, à l’entame du dernier acte, de retirer le masque magique des mains de Stanley et de promouvoir le chien au rang de personnage principal. Heureusement, cela ne dure pas jusqu’au bout… Quand le masque est actif, le film est au contraire une tornade déjantée et inarrêtable, féroce et malintentionnée. Sa forme est radicalement transformée, sublimée même : les aspects de la ville fictive de Edge City qui louchent vers le film noir des années 40 (décor de night-club, éclairage expressionniste…) sont enfin exploités en accord avec leur potentiel. Et, bien sûr, le cadre est alors assailli d’images de synthèse survoltées – et qui tiennent toujours parfaitement la route 17 ans et des dizaines de films à effets spéciaux numériques plus tard – donnant vie aux exactions et aux délires cartoonesques de cette force tonitruante.
Le potentiel excentrique contenu dans le masque est si fort que même des personnages sans intérêt comme le méchant en chef ou le chien deviennent jubilatoires lorsqu’ils le portent. Leur contribution tient cependant du détail face à l’abattage du phénomène Jim Carrey qui trouvait là, quasiment au début de sa carrière, le rôle de sa vie : celui qui lui permet de se métamorphoser pour de bon en personnage d’un dessin animé de Tex Avery. Il est, parmi nous autres simples humains, celui qui s’en rapproche le plus dans le fond (le mélange inflammable de frénésie et de stupidité – voir Dumb and dumber) comme sur la forme, avec son humour très physique à base de grimaces et de pas de danse. Le masque est un prolongement de tout cela qui tombe sous le sens. Le numéro de salsa (« Tchik tchiki boum » !) et les reprises à l’identique de situations emblématiques de Tex Avery – à base d’un marteau, d’un réveille-matin et d’un tromblon, ou bien d’une chanteuse pin-up et d’un spectateur qui devient fou en la voyant – en sont des preuves irréfutables et jubilatoires. De telles scènes sont suffisamment nombreuses, et intègres dans leur double démence (comique, et violente), pour rendre The Mask estimable. Au moment du décompte final des points, son invitation au défoulement endiablé de toutes les pulsions et de toutes les incartades l’emporte sans ciller sur les frêles garde-fous que le système a imposés au film.
La schizophrénie se retrouve à l’identique dans les suppléments de cette réédition en DVD (et Blu-Ray). Dans le coin gauche du ring, on trouve un bon documentaire rétrospectif insistant à raison sur la singularité de l’attelage (un réalisateur de séries B d’horreur, deux comédiens inconnus, un humour déviant et des images de synthèse extravagantes, tout ça pour adapter un comic book mêlant violence et second degré). Il est accompagné d’un autre focalisé sur l’influence de Tex Avery, et de deux savoureuses scènes coupées – une implique des Vikings, l’autre l’usage d’une presse d’imprimerie. Dans le coin droit, une paire constituée d’un bonus sur le dressage du chien et d’un autre sur le casting de la débutante Cameron Diaz, où l’on apprend surtout que le producteur du film s’inquiétait du tour de poitrine trop petit de l’actrice, se tient prête à nous jeter sa vacuité au visage. Les deux commentaires audio n’apportent pas grand-chose au débat (on fait assez vite le tour de ce qu’il y a à dire sur The Mask…), surtout que le plus intéressant des deux, par le metteur en scène Chuck Russell en solo, est bizarrement non sous-titré.