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- Compliance, de Craig Zobel (USA, 2012)
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Au ciné-cité les Halles
Quand ?
Lundi soir, à 22h30
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
Compliance est un film raté, mais qui mérite qu’on en touche quelques mots car ce ratage relève du cinéma. Une fois mise de côté sa physionomie de membre tout à fait banal de la vaste famille Sundance, du cinéma indépendant américain domestiqué, Compliance se résume à une chose : son sujet, effarant et donc prometteur. Soit un homme qui appelle un fast-food au hasard, en se faisant passer pour un flic chargé d’une enquête en cours sur un vol soi-disant commis par une employée, et qui commande aux collègues et supérieurs de celle-ci de la séquestrer, l’interroger, la fouiller, et ainsi de suite tant qu’il trouve quelqu’un pour obéir. Cela ressemble trait pour trait aux célèbres expériences de Milgram sur la soumission à l’autorité, à un détail près – l’histoire est tirée d’évènements réels.
Avec une telle trame, il n’y a en apparence qu’une exigence à respecter par le réalisateur pour mener à bien son affaire : coller aux faits et se laisser porter par eux. Zobel s’y plie convenablement pendant un bon moment, en jouant le jeu du quotidien qui dérape imperceptiblement. Il fait démarrer son film un tout petit peu avant le coup de téléphone, ce qui laisse le temps de bien établir la sereine situation de départ. Puis il aménage un efficace dispositif de quasi temps réel, faisant durer les échanges verbaux au cours desquels les marionnettes du faux policier tentent avec plus ou moins de virulence de résister à ses ordres. Une tension sourde et crispante s’installe dans un premier temps, validant la capacité du film à nous mettre mal à l’aise. Mais à mesure qu’elle se prolonge, la situation décrite devient aussi absurde que dramatique, la manipulation sournoise de l’un et la passivité docile des autres s’affirmant comme les deux faces d’une même bêtise. Cela, Zobel se refuse obstinément à l’admettre. Compliance reste grave et affligé jusqu’au bout, représentant en cela l’anti Killer Joe. Les deux films mettent en scène des troupes comparables de protagonistes situés dans la partie inférieure de l’échelle sociale, et ne brillant pas par leur intelligence, qui s’autodétruisent dans une escalade d’insanité menée en circuit fermé ; et tous deux observent cela depuis un point de vue trop univoque, la raillerie (hautaine) pour Killer Joe et l’apitoiement (barbant) pour Compliance.
Zobel passe à côté de la farce tragique qu’appelait son sujet, mais ce n’est pas tout : il passe à côté de son sujet tout court. Il n’a besoin que d’une scène pour y parvenir, celle qui était sur le papier l’acmé du récit – l’humiliation terminale infligée par l’homme au bout du fil, une fellation sous la contrainte. Le réalisateur est à ce point tétanisé par sa propre pudibonderie qu’il fait carrément l’impasse sur la scène. Il ne l’amène pas, et la montre à peine, deux gestes qui sont le contraire d’anecdotiques. En ne l’amenant pas, il dénonce ses propres règles : c’est la seule et unique fois qu’on ne voit pas les pourparlers retors par lesquels le maître du jeu va convaincre ses pantins d’agir comme il le désire, alors que c’est la fois où ils seraient le plus nécessaires. En la montrant à peine (elle est expédiée en deux-trois plans très, très évasifs), il en escamote la cruauté, qu’il revient au spectateur de reconstituer par lui-même, via les visages défaits des deux acteurs après coup. C’est de la part de Zobel une démission de sa fonction d’intermédiaire entre le public et le sujet ; de son rôle de cinéaste. C’est dommage, car à d’autres endroits il prouve qu’il est capable de faire du bon cinéma – la manière dont le combiné du téléphone agit comme un virus que les individus se transmettent, ou ce plan-séquence inspiré entre le commissariat et le fast-food. Mais ce sujet-là n’était tout bonnement pas fait pour lui.