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- Balada triste, de Alex De La Iglesia (Espagne, 2010)
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Au MK2 Odéon, dernière salle parisienne à passer le film, qui n’est pourtant que dans sa troisième semaine d’exploitation
Quand ?
Dimanche après-midi, à 15h30
Avec qui ?
MonFrère et sa copine
Et alors ?
Après le début en fanfare qu’avaient constitué les deux délires horrifico-déglingués Action mutante et Le jour de la bête, réalisés à moins de 30 ans, la filmographie du plus outrancier des cinéastes espagnols qu’est Alex De La Iglesia a par la suite essentiellement été un cas manifeste de gâchis de potentiel dans des longs-métrages sans relief. Entre petites comédies à l’humour noir adroit mais vite oublié (Mes chers voisins, Le crime farpait) et commandes internationales alimentaires (le désastreux Crimes à Oxford), c’est une décennie entière de sa carrière qui peut être légendée par le titre original de son dernier film, Balada triste de trompeta. Lequel film marque enfin un regain appuyé d’ambition, ce qui est une première étape de taille. La seconde sera de soutenir cet appétit retrouvé sur toute la durée d’un long-métrage, sans les trous d’air et les déséquilibres de fond dont Balada triste est entaché.
L’ouvrage forgé par De La Iglesia est une créature de Frankenstein cinématographique : l’agglomération baroque de morceaux viables mais trop hétérogènes pour que l’ensemble ne prenne pas un aspect monstrueux. Balada triste contient d’ailleurs une certaine mise en abyme de la manière de procéder de son auteur, un des segments de son histoire traitant de la mutation cruelle des deux personnages principaux en monstres au visage raccommodé physiquement, avec un résultat grotesque et effrayant. Cette partie du film, qui fait la jonction entre sa première explosion de violence et son dernier acte, est la plus symptomatique de son grand écart entre une incontestable faculté à faire le spectacle et de vraies difficultés à faire sens. La faim vorace de cinéma est là, accompagnée d’un cortège d’idées décapantes et imprévisibles. Mais la sincérité indéniable dans le geste du réalisateur ne suffit pas à gommer la constance avec laquelle toutes ces idées sont exploitées bien en-deçà de ce qu’elles pourraient, et devraient. De La Iglesia s’en tient invariablement à l’écume des choses, ce qui est franchement regrettable quand on a comme lui fait le plus dur en établissant à l’écran un déchaînement visuel de tous les instants, des personnages intenses, et un enchevêtrement de leur destin avec la grande histoire.
Plus généralement, c’est tout au long de ce récit de la rivalité amoureuse entre deux clowns – l’auguste et le triste – d’un même cirque, sur fond de fin de règne franquiste, que les moments forts sont légion. Ils s’impriment assurément pour du long terme dans les esprits : les deux morceaux de bravoure guerrière surgissant dès le prologue, l’énergie qui se dégage de la troupe bouffonne de saltimbanques, le final étourdissant prenant place dans le décor monumental du Valle de los caidos et qui accomplit pleinement son destin de rejeton bâtard de La mort aux trousses… On voudrait alors pouvoir adhérer sans réserve à Balada triste, tant il nous chavire comme le grand cinéma que De La Iglesia convoque au travers de ses ambitions. Un grand cinéma dont il reste malheureusement à bonne distance, en raison de son inconséquence d’ensemble qui l’empêche de développer une vision, un univers fort. Si ses intentions sont celles d’un Inglourious Basterds, leur concrétisation n’arrive qu’à la cheville du film de Tarantino. Ce qui n’a pas empêché ce dernier d’accorder à Balada triste un double prix (mise en scène et scénario) lors du dernier Festival de Venise dont il présidait le jury. Une décision en phase avec sa manière habituelle de procéder, qui consiste à distribuer les récompenses non pas en fonction de la qualité des œuvres mais selon ses accointances avec leurs auteurs.