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- Adieu Berthe (L’enterrement de mémé), de Bruno Podalydès (France, 2012)
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A Cannes, où le film était sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs
Quand ?
Fin mai
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Inutile de cacher le plaisir que l’on éprouve à retrouver Bruno Podalydès en grande forme, après un film en demi-teinte (Le parfum de la dame en noir) et un franchement catastrophique (Bancs publics). Adieu Berthe marque de la part du cinéaste un retour aux fondamentaux de son artisanat comique, matérialisé par la réapparition de son frère et interprète principal Denis au poste de coscénariste. Le dernier film des Podalydès écrit à quatre mains était Liberté-Oléron, c’était aussi le dernier à avoir pour centre de gravité un protagoniste unique, que l’on observe orchestrer tant bien que mal les imprévus de sa vie et les rapports avec ses proches. Ce modèle du non-héros normal, au prénom normal (Jacques dans Liberté-Oléron, Albert avant cela dans Dieu seul me voit) est reconduit dans Adieu Berthe en la personne d’Armand. Lequel, comme ses prédécesseurs, est médian en tout, ni exceptionnel ni minable : pharmacien en banlieue parisienne, marié et père d’un adolescent, ayant en parallèle de sa vie de famille une liaison avec une femme de sa génération, ayant elle aussi un enfant mais étant pour sa part séparée. Un saut qu’Armand hésite à faire, ce qui est l’un des deux soucis qui le travaillent durant le film – quelle femme choisir. L’autre tracas, c’est la mort de Berthe, sa grand-mère oubliée par lui et les autres dans sa maison de retraite, et dont il faut organiser les funérailles.
Ces deux pôles narratifs placent Adieu Berthe en équilibre entre le sel de la vie (les passions amoureuses, la famille) et l’amertume de la mort. Position doublement vulnérable, les sentiments qui animent la vie étant capricieux et insaisissables et la sentence de la mort soudaine et arbitraire. Nous sommes tous les jouets des premiers, les proies de la deuxième, chose qu’Armand éprouve de façon aiguë en raison de la situation exceptionnelle à laquelle le scénario le confronte. Il serait tout à fait admissible d’en pleurer – de nombreux films, y compris des très grands, ont emprunté cette voie – mais les Podalydès préfèrent en rire. Ils répondent par l’absurde à l’absurdité qu’ont en commun la vie et la mort, par la légèreté et la fugue aux servitudes que les gens trop sérieux veulent prescrire au nom de l’une et l’autre. Leur humour libre ruisselle en continu, à tous les niveaux, du petit détail visuel en arrière-plan à l’agencement des différentes intrigues. On se demande si la mort fait « pif », « pouf », « psschitt » ou « crac », les fils de discussions amoureuses par textos s’emmêlent, les entreprises de pompes funèbres sont baptisées Obsécool ou Définitif, et proposent des formules et des méthodes de travail cohérentes dans le délire avec ces dénominations.
Portés par des seconds rôles malicieusement choisis (Valérie Lemercier en amoureuse volcanique, Michel Vuillermoz en psychorigide arrogant, et les autres répartis entre ces deux cas extrêmes), les gags sont dans leur grande majorité très bons. Quelques uns sont même assez géniaux, et bien peu sont à jeter. Au milieu de cette pléiade de circonstances, de figures et d’étincelles comiques trône Armand, tour à tour catalyseur énergique et spectateur circonspect des désordres du récit. En plus d’être admirablement joué par Denis Podalydès, qui s’est créé là un rôle en totale adéquation avec la part lunaire et bougonne de son jeu, Armand est admirablement écrit. Ni dominant dépositaire de l’autorité, ni dominé sot et insignifiant, il est de ceux qui, pour concrétiser leurs idées et leurs aspirations tout aussi valables que celles des autres, doivent louvoyer, ruser, échapper à la vigilance des gardiens du temple (ici le duo formé par le directeur de Définitif et la belle-mère d’Armand) et prendre le maquis. C’est là tout l’objet de l’échappée belle du dernier acte, qui apporte une ampleur nouvelle et opportune en ajoutant à la finesse de l’humour celle de la chronique des romances, passées et présentes. Adieu Berthe n’en finit alors plus de s’ennoblir, jusqu’à atteindre une forme délicate de perfection avec sa conclusion prestidigitatrice, idéale dans son timing et son adresse.