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- Time out, d’Andrew Niccol (USA, 2011)
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Où ?
Au Max Linder
Quand ?
Lundi soir
Avec qui ?
MonFrère
Et alors ?
Trop intelligent et pas assez malin pour Hollywood, Andrew Niccol bâtit depuis quinze ans et bien malgré lui une carrière suffisamment accidentée pour mériter un « label Orson Welles », le maître inégalé en matière de projets avortés et malmenés. Après un coup d’essai – coup de maître à la production plutôt sereine (Bienvenue à Gattaca), Niccol a enchaîné film mis en scène par un autre au nom plus ronflant (The Truman show), four total au box-office (Simone), exil européen pour monter un projet dont personne ne voulait outre-Atlantique (Lord of war). Time out [1] écrit un nouveau chapitre de cette histoire mouvementée, avec pour thème les compromissions volontaires – la variante cinématographique des autocritiques dans les régimes totalitaires en tous genres. Niccol est crédité comme réalisateur, scénariste et producteur de Time out, il ne l’a donc renié en aucune façon et est responsable de tout ce qu’il contient. Mais la brutale dégradation de la subtilité du propos par rapport à ses scripts précédents, ainsi que l’introduction pour la première fois d’éléments de divertissement indiquent sans trop d’hésitation possible que Niccol a transigé. Il a tenté d’anticiper les pressions extérieures, en apportant de lui-même à son style les retouches qu’il devait s’entendre conseiller à longueur de temps. Une pratique qui n’est malheureusement presque jamais une bonne idée.
Le concept à l’origine du film est une brillante idée de science-fiction. Tous les êtres humains ont été génétiquement modifiés pour ne pas vieillir physiquement au-delà de 25 ans. En contrepartie, ils se voient dotés d’une horloge interne indiquant le temps qui leur reste à vivre, sans dérobade possible : quand le chronomètre atteint zéro, vous mourrez. La double peine tient au fait que le temps est aussi devenu la monnaie d’échange globale, à la place de l’argent. Tout se paie en unités de temps, qu’il faut donc regagner en travaillant (ou en jouant, ou en volant) pour non seulement survivre mais aussi vivre. Les riches sont dès lors encore plus nantis, et les pauvres encore plus misérables. La captation de l’atmosphère qui règne sur ce monde, si compartimenté et ordonné qu’il en est devenu totalement dévitalisé – les uns ont tellement de temps qu’ils ont perdu toute envie, les autres n’ont plus le temps de rien faire en dehors de ce qui est vital –, est ce que Niccol réussit le mieux. Bien sûr d’autres sont déjà passés avant lui, avec des œuvres plus marquantes car plus brutales encore (Soleil vert par exemple), mais ce tableau sociologique est efficace et crédible. Alors qu’on ne peut pas en dire autant du reste… Niccol cherche à mener deux films de front dans Time out, avec pour seul résultat de n’en réussir aucun. L’un par manque de temps, l’autre par manque d’envie.
Le gâchis est général car les deux pistes amorcées ont un vrai potentiel (ce qui explique d’ailleurs pourquoi on ne décroche jamais vraiment du film ; on espère en permanence qu’il va se hisser à la hauteur de ses promesses). Time out option cérébrale, le film que Niccol n’a pas le temps de faire, est évidemment sympathique dans son exhortation à faire mordre la poussière à un système financier devenu omnipotent. On ne peut cependant oublier qu’il y a plus de dix ans déjà, Fight club lançait le même appel tout en montrant crûment ses lacunes et les questions qu’il laisse en suspens. Niccol, à force de simplifier, réduit son propos à un exposé de collégien bien intentionné mais enfonçant des portes ouvertes – en gros, les inégalités c’est mal – à coups de monologues élémentaires mis dans la bouche des différents personnages. Les thèmes et protagonistes plus complexes et qui auraient donc gagné à être développés (la similitude des parcours du héros et de son père ; le personnage du flic) ne le sont pas, victimes probables des multiples réécritures dont le scénario semble bien avoir été l’objet. Niccol n’a pas su ou voulu faire en amont les choix tranchés qui s’imposaient, et se retrouve avec une succession de compromis bancals.
Les scènes de suspense et d’action en sont l’exemple le plus criant. C’est la première fois que le cinéaste en met dans un de ses films, en se forçant de toute évidence tant il n’y transparaît aucun plaisir, aucune excitation. Il ne sait pas y faire, et ne semble pas mourir d’envie d’apprendre. Il y a de quoi nourrir de sérieux regrets, car mis entre les mains d’un artisan talentueux spécialisé dans le thriller ce Time out option viscérale aurait pu donner quelque chose de grand. L’idée du décompte temporel mortel intégré au corps des personnages et légitimé d’entrée par le scénario, c’est en effet le rêve de tout réalisateur de film d’action. Pour preuve, la moindre séquence qui fait approcher l’horloge des héros du zéro fatidique (à une table de poker, après un accident de voiture qui les laisse inconscients, etc.) affole notre taux d’adrénaline, qu’on le veuille ou non. Mais Niccol ne capitalise jamais sur ces sursauts, et le Minority report puissance dix qui aurait pu en résulter reste mort-né.
[1] titre « francisé » qui fixe un nouveau standard de référence dans le ridicule que peut atteindre cette pratique, puisque le titre original est… « In time »