• Sherlock Holmes : Jeu d’ombres, de Guy Ritchie (USA-Angleterre, 2011)

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Où ?

À la salle Warner, en projection de presse

Quand ?

Vendredi, à 13h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Sherlock Holmes 2 (pour faire plus court) est le successeur loyal en toutes choses du premier volet. Son programme consiste avant tout à assurer une continuité dans les motifs, le ton, le rythme, les ambitions, en s’autorisant une poignée d’améliorations mineures qui ne viennent certainement pas troubler l’équilibre profondément établi de l’ensemble. Partant de là, tout dépend de votre appréciation du premier film. La mienne est suffisamment basse pour que le passage du 1 au 2 me fasse un effet similaire à la transition Poutine – Medvedev : c’est un tout petit peu moins pire en surface mais cela reste basé sur les mêmes pratiques et postulats inacceptables.

Sherlock Holmes par la doublette Joel Silver à la production et Guy Ritchie à la réalisation, c’est le fast-food du cinéma d’aventures. Comme son équivalent alimentaire, il ne s’embarrasse d’aucune fioriture dans son entreprise de fourniture aux clients des aliments gras, sucrés, salés occasionnant un sentiment de satiété express sans la moindre visée nutritive ou gastronomique. Qu’elle soit délibérée ou non, il y a une grande part de cynisme dans cette manière qu’ont toutes les personnes impliquées dans le projet de se contenter de la sorte d’une besogne faite a minima, dépourvue de la moindre idée, du plus petit élan créatif. Joel Silver, l’un des quelques moguls d’Hollywood régnant sur le business des blockbusters depuis trente ans maintenant, n’a pourtant pas que des machines à lobotomiser à son actif, loin s’en faut (citons Die Hard, The Matrix) ; mais la qualité des films qu’il produit relève exclusivement du metteur en scène, lui-même n’en ayant cure. Dans le cas de Sherlock Holmes, le metteur en scène se nomme malheureusement Guy Ritchie, ersatz de Tarantino qui a eu son petit moment de gloire à la fin des années 90 avec Arnaques, crimes et botanique et Snatch, deux polars dont l’énergie et la singularité provoquaient un petit plaisir coupable. Le souci est que Ritchie n’est jamais monté plus haut que ça (Snatch est déjà plus ou moins une redite de Arnaques, crimes et botanique, avec Brad Pitt en guest star), recyclant ensuite de projet en projet ses effets, devenus des tics, et sa vitalité, devenue de l’hystérie.

La franchise des Sherlock Holmes n’arrange clairement rien à cette dissipation – en un temps possiblement record – des légers espoirs portés par le réalisateur. Sous les ordres d’un chef comme Silver qui lui donne des moyens quasi illimités (125 millions de dollars, après avoir déjà eu 90 millions pour le premier) et n’attend de lui qu’un retour sur investissement sonnant et trébuchant, Ritchie se contrefiche que le trop soit l’ennemi du bien. Il se goinfre à tous les stands du buffet et amalgame le tout dans un mélange indigeste, une bouillie d’écriture, de mise en scène, de montage. Les gesticulations vaines remplacent le mouvement, la roublardise creuse supplante l’intelligence. L’exemple le plus voyant est le découpage des scènes d’action, surexcité et illisible. Mais ce défaut de consistance, de vision portant au-delà de la prochaine coupe à venir intervient à tous les niveaux. La mise en scène n’est qu’un chapelet irréfléchi d’effets clinquants (ou qui s’imaginent l’être). Les péripéties sont soudées les unes à la suite des autres avec des jointures narratives médiocrement exécutées à la va-vite. Les protagonistes ont l’épaisseur d’une feuille de papier – voire moins, comme celui de Noomi Rapace qui pour son premier rôle post-Millénium suédois fait (très mal) tapisserie aux côtés des héros. Malgré les apparences le moins bien servi est Holmes, qui est moins un personnage à part entière (sa noirceur psychologique, maintes fois invoquée, est en réalité toujours esquivée) qu’un mécanisme de scénario, dont le contrôle échappe qui plus est à ses inventeurs. Holmes a deux modes de fonctionnement : le mode « réflexion », où il résout les mystères en même temps qu’il nous en fait l’énoncé ; et le mode « action », dans lequel il a tout anticipé de l’affrontement dans lequel il est engagé et a arrangé à notre insu un plan de bataille qui nous est révélé a posteriori. Dans les deux cas, le spectateur n’a d’autre choix que d’être absolument passif, une oie que l’on gave d’informations et de réponses à des questions qu’il n’avait même pas eu l’occasion de se poser.

Tout ceci est donc valable pour Sherlock Holmes 2 autant que pour le 1. Évoquons tout de même les quelques ajustements positifs apportés par cette suite : un méchant digne de ce nom (interprété par le très charismatique Jared Harris, vu dans Fringe et Mad Men) faisant peser un danger réel mais malheureusement sous-exploité ; et une petite poignée de séquences presque entraînantes – le pré-générique, l’embuscade dans le train. Sur ces deux aspects, c’était le néant dans le premier film, raison pour laquelle on peut effectivement parler d’une progression. A ce rythme, peut-être que dans cinq ou six épisodes cette série de Sherlock Holmes proposera quelque chose de correct.

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