• Rush, de Ron Howard (USA-Angleterre, 2013)

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Où ?

Au George V, dans la grande salle

Quand ?

Lundi soir, à 22h

Avec qui ?

MonFrère

Et alors ?

On n’attend jamais grand-chose de Ron Howard, possiblement le plus consensuel et insipide des réalisateurs américains, capable de s’évaporer tout aussi sûrement dans un appât à oscars (Un homme d’exception) que dans un mastodonte estival (Anges et démons). On a pareillement appris à n’avoir que des attentes très limitées envers un biopic et, ces derniers temps, on commence aussi à réduire nos espoirs devant un film de superhéros, tant ce genre est en train de se faire essorer par Hollywood. Rush prend à revers ces trois défiances, par son traitement que l’on peut qualifier de journalistique – on ne déforme pas les faits – et « européen » – on ne détourne pas les yeux face à la noirceur – de son sujet. Européen, le film l’est dès ses racines, sans discussion. Il y est question de F1, là où les américains ne jurent que par le Nascar ; les deux protagonistes sont anglais (James Hunt) et autrichien (Niki Lauda), avec un terrain de jeu se limitant pour l’essentiel à la vieille Europe, Angleterre, Allemagne, Italie, France. Rush est à ce titre un film de l’après Inglourious Basterds, qui n’hésite plus à faire parler ses personnages dans leurs différentes langues maternelles en plus de l’anglais. D’un film à l’autre, de Tarantino à Howard, on retrouve Daniel Brühl, ici pour la première fois en haut de l’affiche dans une production de cette ampleur.

Car même avec le beau gosse Chris Thor Hemsworth en face, pour incarner le beau gosse James Hunt (sans se forcer, donc), c’est bien Brühl / Lauda qui impressionne et fascine le plus dans ce récit de l’incroyable saison de F1 de 1976. Déjà rivaux désignés en janvier, les deux pilotes vont vivre jusqu’aux derniers tours de la dernière course une succession de disqualifications, avaries mécaniques, accidents qui dépasse l’entendement. Avec comme dramatique point d’orgue le crash de Lauda au Grand Prix d’Allemagne, dont il ressortira lourdement brûlé et défiguré mais habité d’une rage de vaincre redoublée. Niki Lauda devient Double-Face, mais que son ennemi soit un playboy ne fait pas de ce dernier un Batman. Chacun à sa façon (l’autrichien calculateur froid et méprisant, l’anglais jouisseur immodéré et arrogant), Hunt et Lauda sont aussi foncièrement cyniques et antipathiques l’un que l’autre, en plus d’être uniquement mus par leur obsession de finir devant l’autre. Rush ne tempère en aucune façon ce caractère destructeur, de même qu’il n’atténue rien de la rivalité forcenée entre les deux hommes. Ce duel annihile tout le reste, ne laissant que de la terre brûlée autour des deux ogres – entre autres dommages ce sont eux, et non le film, qui réduisent les femmes de leur entourage au rang de faire-valoir.

Rush est un biopic qui n’offre ni leçon de vie, ni repentance ; bien au contraire, plus leur affrontement se fait critique et douloureux et plus Lauda et Hunt s’abandonnent à la part de monstruosité tapie au fond de leur être. Comme si le garçon de Looper était devenu pilote de F1, c’est lorsque le sentiment de rivalité se transforme en haine pure que Lauda et Hunt se surpassent et trouvent en eux de quoi déployer des quasi superpouvoirs. À l’hôpital, le rétablissement de Lauda est accéléré par sa fureur de voir Hunt profiter de son absence pour enchaîner les victoires ; lors de l’ultime Grand Prix, l’anglais accomplit des prouesses car l’idée de voir l’autrichien champion du monde à sa place lui est insupportable. Ce durcissement extrême est souligné par les deux moments notables de cinéma de Rush, un jeu de champ-contrechamp entre le calvaire physique de Lauda et la télévision qui lui inflige les succès de Hunt, puis des flashs des visions de cauchemar (Lauda fêtant son titre) qu’a Hunt alors qu’il tente le tout pour le tout afin de les empêcher de se réaliser. Le reste du film, le travail de mise en scène de Ron Howard – visiblement très impliqué et enthousiaste – est moins manifeste mais très solide. La crédibilité des courses autant que l’adrénaline qu’elles génèrent ne souffrent aucune contestation deux heures durant. Et pour une fois, retrouver le réalisateur sur le podium du box-office ou des oscars ne serait pas à regretter.

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