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- Mr. Nice, de Bernard Rose (Angleterre, 2010)
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Au ciné-cité les Halles
Quand ?
Vendredi après-midi il y a deux semaines, à 16h30 (après Scream 4)
Avec qui ?
MonFrère
Et alors ?
Le biopic retraçant l’existence tumultueuse – forcément – d’un dealer de drogue est un sous-genre d’un sous-genre (le biopic de malfrat) d’un genre (le biopic). Chacune de ces strates est tellement calibrée que le niveau le plus bas accumule une quantité considérable de contraintes, ce qui signe la plupart du temps la mort par suffocation des films qui tentent le coup. Au regard de cette norme, très basse il est vrai, la copie rendue par Mr. Nice tient presque du haut de gamme. Ses principales qualités tiennent à l’évitement des pires de ces obstacles propres au genre : pas de pathos prenant racine dans un événement traumatique de l’enfance, pas de cheminement visant à canoniser le personnage en oblitérant ses activités criminelles, pas de personnages secondaires génétiquement modifiés pour être rendus porteurs de conflits nourrissant l’intrigue… On ne compte plus les œuvres tombées au champ du (dés)honneur des suites de l’amoncellement de ces points. Des œuvres américaines, pour la plupart ; et c’est justement son identité anglaise qui sauve Mr. Nice de ces limbes et le rend si viable et agréable.
Le film est en effet régenté par cette amoralité que les américains envient ou décrient chez la vieille Europe. On n’y trouve pas de ligne délimitant ce qui est bien et ce qui est mal, ni de nécessité de tout positionner d’un côté ou de l’autre de cette ligne. Le monde décrit dans Mr. Nice est un assemblage désordonné de positions générales (les lois des pays, celle de l’offre et de la demande) et individuelles – les ambitions et convictions de chacun – qui parfois s’ignorent, parfois s’accordent, parfois se confrontent. L’ambition de Mr. Nice, caïd du trafic intercontinental (producteur grossiste au Pakistan, intermédiaires de transport en Irlande du Nord, client final en Angleterre et aux USA) de marijuana dans les années 70 et 80, de son nom de baptême Howards Marks, est simple. Il s’agit de gagner de l’argent en pratiquant une activité pour laquelle il est doué, où le marché est conséquent, et ainsi de vivre confortablement sa vie de famille heureuse et banale. Le bien et le mal sont complètement absents du tableau, et cette forme d’apesanteur éthique porte à merveille le film. Elle lui insuffle l’humeur et la malice qui lui font traverser sans dommage tous les passages obligés et lourdement balisés propres à son genre.
Certes, sur la fin le charme opère moins lorsque Howard n’est plus libre de ses mouvements et que ces derniers deviennent dès lors moins en accord avec ses idées. Certes (bis), le personnage de son épouse est globalement transparent, et son interprète talentueuse Chloë Sevigny sacrifiée en conséquence ; mais c’est plus crédible et plus soutenable que d’en faire une harpie excentrique et vociférante dans le seul but de la faire exister. Dans l’ensemble le pari de Mr. Nice fonctionne, grâce à la cohérence dans la quête de plaisir léger à tous les niveaux : plaisir pris par Rhys Ifans à se mettre dans la peau de ce héros dandy1, par Bernard Rose à associer numérique et effets plus vieillots pour une reconstitution d’époque qui s’attache plus au parfum d’insouciance de celle-ci qu’à son réalisme plastique. Mr. Nice n’a que cette manière de voir le monde à proposer, mais c’est déjà beaucoup.
1 idem pour David Twelis dans son rôle secondaire du militant de l’IRA véreux, paranoïaque et incontrôlable