- Accueil
- Dans les salles
- Cinéastes
- Pas morts
- Vivants
- Abdellatif Kechiche
- Arnaud Desplechin
- Brian de Palma
- Christophe Honoré
- Christopher Nolan
- Clint Eastwood
- Coen brothers
- Darren Aronofsky
- David Fincher
- David Lynch
- Francis Ford Coppola
- Gaspar Noé
- James Gray
- Johnnie To
- Manoel de Oliveira
- Martin Scorsese
- Michael Mann
- Olivier Assayas
- Paul Thomas Anderson
- Paul Verhoeven
- Quentin Tarantino
- Ridley Scott
- Robert Zemeckis
- Roman Polanski
- Steven Spielberg
- Tim Burton
- USA
- France
- Et ailleurs...
- Genre !
- A la maison
- Mais aussi
- RSS >>
Que la remise de la Palme d’Or à The tree of life fasse l’effet d’une évidence est quelque chose dont il faut se réjouir, et non déplorer au nom d’un soi-disant manque de suspense, d’une compétition en définitive jouée d’avance. La tendance lourde de la décennie écoulée était de voir s’enchaîner des Palmes peu ou pas discutables mais fonctionnant en mode mineur, cherchant – et réussissant – à faire vivre le cinéma contre l’adversité, sous toutes ses formes : industrie et culture de cinéma au point mort (la Roumanie de 4 mois, 3 semaines, 2 jours, la Thaïlande de Oncle Boonmee), crudité à vif de la réalité sociale (L’enfant, Entre les murs, voire Fahrenheit 9/11), et même un cas de commande télévisuelle avec budget minimaliste afférent (Elephant). Alors oui, face à cette histoire récente, il faut se réjouir sans réserve qu’un film tout entier dédié à la cause du cinéma, porteur d’ambitions monumentales à l’égard de cette forme d’art et résolu à se donner les moyens de les matérialiser, soit cette fois couronné. En cela, cette Palme rappelle celle décernée à un autre film démesuré d’un autre cinéaste démiurge, Apocalypse now[1]. Les deux œuvres contiennent à mon avis des moments qui achoppent, où quelque chose s’est perdu entre le dessein fou du cinéaste et son accomplissement à l’écran – l’épilogue du film de Coppola chez le colonel Kurtz, les tentatives de Malick d’embrasser l’infiniment grand, de dépasser l’humain. Mais le fait même d’avoir eu le cran de prendre de tels risques, dans ces séquences autant que dans celles qui atteignent leur but (qui sont autrement plus nombreuses ; les deux films sont pour l’essentiel des chefs-d’œuvre inégalables chacun dans son genre), rend ces œuvres passionnantes et cause l’admiration pour leurs auteurs. Avec Malick, avec The tree of life, c’est une conception exaltante et absolue du cinéma qui triomphe. L’ignorer serait revenu à lui faire barrage, lui faire barrage aurait été un revers manifeste et une rude désillusion.
Le reste du monde et du palmarès, maintenant. Le double Grand Prix, événement devenu rarissime (la dernière fois remonte à 1994), sert peut-être encore plus qu’à l’accoutumée de « Palme d’Or bis » dans une compétition à ce point surplombée par un film mais pourtant riche en concurrents de qualité. Le choix du jury fait sourire car il accole des cinéastes pour qui une troisième Palme serait probablement too much (les Dardenne, avec Le gamin au vélo) et un autre, Nuri Bilge Ceylan avec Once upon a time in Anatolia, appartenant à la liste des losers magnifiques, aux côtés de Pedro Almodovar ou de Bruno Dumont. Ceylan devient d’ailleurs le second réalisateur, avec Dumont, à avoir remporté deux fois le Grand Prix du jury (le premier était pour Uzak en 2003). Sur la valeur des films, rien à redire. Celui des Dardenne est en salles depuis mercredi afin que tout le monde puisse s’en rendre compte par soi-même, et les échos concernant celui de Ceylan sont pour la plupart très positifs.
Les prix de seconde classe laissent un sentiment mitigé dû à l’américanité des films récompensés, qui fait spéculer quant à un certain formatage du regard du jury et éclipse du coup l’effet de renouvellement des têtes – quatre de ces cinq films sont l’œuvre de réalisateurs venant pour la première fois à Cannes. Mais voilà, Drive (prix de la mise en scène) est un modèle de série B survitaminée à l’américaine ; la structure narrative de Polisse (prix du jury) a été comparée par beaucoup à celle d’une série tv policière, à l’américaine là aussi ; The artist (prix d’interprétation masculine pour Jean Dujardin) rend hommage au cinéma muet hollywoodien des années 1920 ; et Kirsten Dunst, prix d’interprétation féminine pour Melancholia, est la figure de proue du casting le plus riche en noms connus outre-Atlantique – Kiefer Sutherland, John Hurt, Stellan Skarsgard, les deux Charlotte Gainsbourg et Rampling. Finalement seul Footnote, de l’israélien Joseph Cedar, échappe à cette grille de lecture. Mais les avis le concernant sont pour la plupart mauvais voire très mauvais… Pour leur part, les absents les plus remarqués au regard des comptes-rendus du Festival au jour le jour font un cinéma farouchement européen (Moretti, Almodovar, Kaurismaki, Cavalier) ou asiatique (Miike, Kawase). Il serait dommage que ce soit cela qui leur aie nui.
Pour finir, signalons que comme chaque année différentes salles parisiennes vont proposer dans les jours et semaines qui viennent des reprises des sélections parallèles : la Quinzaine des Réalisateurs au Forum des Images, Un certain regard au Reflet Médicis, et la Semaine de la critique (qui était apparemment d’un excellent niveau cette année) à la Cinémathèque française. Quant aux films de la compétition officielle, ils ne sont que deux à être déjà visibles en salles, mais pas n’importe lesquels : Le gamin au vélo et The tree of life, excusez du peu.
[1] datant, comme un symbole, de la même année – 1979 – où Malick obtenait le prix de la mise en scène pour Les moissons du ciel avant de disparaître pour vingt ans