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- Les nouveaux chiens de garde, de Gilles Balbastre & Yannick Kergoät (France, 2011)
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A l’Espace Saint-Michel
Quand ?
Mardi soir, à 20h (séance affichant complet)
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Le « name and shame » est une pratique usuelle dans les pays anglo-saxons, qui consiste à exposer frontalement sur la place publique le nom d’une personne ou d’une société et les agissements répréhensibles dont on l’accuse. Un exemple majeur de ces dernières années a été l’affaire des détournements d’argent public à des fins purement privées par des parlementaires britanniques, dont l’identité et les fautes ont fait la une des quotidiens pendant des semaines. En France cette manière de procéder, que le documentaire Les nouveaux chiens de garde adopte avec détermination, est beaucoup moins prisée – peut-être, justement, en raison de ce que le film dénonce : la collusion quasiment obscène qui règne dans notre pays entre les pouvoirs médiatique, politique et économique.
Les nouveaux chiens de garde commence par jouer les ingénus, en faisant mine de gober la tirade autosatisfaite des grands noms des médias français à propos de ce qu’ils auraient conquis depuis l’époque du contrôle par le Ministère de l’Information, il y a un demi-siècle de cela : indépendance, objectivité, pluralisme. Sur aucun de ces sujets de fierté ce joli conte ne résiste longtemps à l’analyse critique. L’enquête des réalisateurs les démonte méthodiquement, l’un après l’autre, sans avoir besoin de jouer dans la cour des documentaires d’investigation de choc, aux méthodes périlleuses et aux révélations fracassantes. Balbastre et Kergoät progressent par accumulation de faits et de pratiques pas ou peu cachés, mais à propos desquels tout le monde détourne le regard. Pêle-mêle, et de manière non exhaustive : la concentration des médias de toutes natures (tv, radio, presse…) entre les mains d’une poignée de richissimes industriels ; la short-list des « experts » des sujets socio-économiques réduite à une vingtaine de noms tournant en boucle sur tous les médias et étant tous globalement d’accord ; les « ménages » des journalistes (des apparitions tarifées dans des conventions, assemblées générales, spots de pub interne d’entreprises) ; le traitement méprisant infligé à tous ceux qui ne sont pas de la même classe, les pauvres, les étrangers, les jeunes…
Cette notion de classe est fondamentale, et le film a raison de concentrer ses efforts dessus – par exemple à travers la très bonne idée de faire du défilé des invités du dîner mensuel au club privé Le Siècle un running-gag ponctuant chaque partie de sa plaidoirie à charge. Ce dîner est l’expression directe par l’image de l’endogamie entre hommes politiques, « experts », journalistes, patrons, tout ce petit monde, ce tout petit monde dont Les nouveaux chiens de garde enfonce méthodiquement les fortifications, par tous les flancs et en ayant toujours la virulence de donner un coup de boutoir supplémentaire révélant un peu plus la peu glorieuse vérité. Entre leurs mains, les médias ne sont pas l’écho de la vox populi comme ils aiment à le faire croire, mais un mégaphone assourdissant au service d’une seule et unique vision politique, économique, sociale. Les nouveaux chiens de garde n’est jamais hors-sujet lorsqu’il s’écarte du seul champ médiatique, pour étendre son attaque au contenu de cette vision. Car la cécité affligeante des « experts » sur la crise dérivée des subprimes en 2008 (et depuis), ou la brutalité des invectives aux jeunes des cités lors des émeutes, procèdent également de cette solidarité de classe dominante où tout le monde pense la même chose puisqu’ayant fait les mêmes études, fréquentant les mêmes lieux, étant riche. « Ne craignons pas la puissance de la presse, mais refusons la puissance de l’argent » – la phrase de l’alors Premier Ministre Pierre Mauroy en 1983, sur laquelle le film se referme, est plus que jamais valide. Car la question mérite d’être posée : la situation est-elle vraiment meilleure maintenant qu’il y a cinquante ans de cela, quand la voix autocratique des puissants s’exprimait à visage découvert plutôt qu’en revêtant des masques pour se faire passer pour chacun d’entre nous ?