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- La taupe, de Tomas Alfredson (Angleterre, 2011)
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À la maison, en DVD zone 2 anglais
Quand ?
Vendredi soir
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Déjà sur le principe, l’intérêt de l’adaptation fidèle, mais quarante plus tard, d’un roman d’espionnage écrit au début des années 70 et situé à cette même période m’échappe un peu. Ce que fait La taupe de cette idée de film n’est pas du tout de nature à me convaincre. Une précédente adaptation sous forme de série tv avait été réalisée en 1979, avec Alec Guiness dans le rôle principal du déterreur de taupes, et il avait alors fallu presque cinq heures aux auteurs de la série pour transposer à l’écran le texte de John Le Carré. Le grand écart avec la durée du film (deux heures) révèle l’origine du problème : les choix malheureux qui ont été faits afin de condenser le récit et ainsi le faire tenir dans le temps imparti. Les efforts de ce plan de rigueur se sont portés sur les caractères des protagonistes et le contexte de la Guerre Froide, deux domaines vidés de toute consistance et rejetés en toile de fond de ce qui demeure comme l’unique composant du scénario, le whodunit de la découverte de l’identité de la taupe des soviétiques infiltrée dans les plus hautes sphères des services secrets britanniques.
La narration est ainsi réduite à son squelette, lequel n’est en plus pas très fringant. En guise d’enquête, ce à quoi on a droit est un récit essentiellement composé de flashbacks confirmant l’un après l’autre la présence de la taupe de manière indirecte, via des situations où ses agissements ont détraqué le fonctionnement des services secrets. Comme il s’agit là du postulat initial du film, ça ne nous avance pas à grand-chose et se fait à la place de scènes qui auraient pu, imaginons, éveiller en nous un intérêt à savoir qui est la taupe. Ce qui en l’état du film n’est absolument pas le cas, les différents suspects étant interchangeables et transparents puisque dénués d’existences, d’identités propres. Non content d’être un soufflé rempli de vide, ne générant aucun trouble, La taupe se pare à tous les niveaux de son exécution d’un sérieux extravagant qui s’apparente à un travail de momification intégral. Les comédiens miment tous avec un talent certain la rigidité cadavérique, tandis que la mise en scène de Tomas Alfredson est dans la droite ligne de ce qu’il a fait dans Morse et qui personnellement m’avait paru aussi surfait qu’irritant. Alfredson a un penchant maniériste et au final mortifère pour les belles compositions formelles qui se satisfont elles-mêmes, et n’engagent aucun échange avec un propos, des émotions, des parcours que le film aurait à véhiculer. C’est constamment m’as-tu-vu, et presque aussi souvent immotivé, dévitalisé.
Deux séquences tranchent avec cette superficialité. Ce sont les deux seules à se risquer en dehors du champ terriblement restreint du récit, en évoquant (pour la première) ou en montrant (pour la seconde) le véritable ennemi des personnages, ce Karla dont ils n’ont que le nom à la bouche. La plongée soudaine dans ce hors-champ inconnu, et l’intensité de l’aura menaçante qui entoure Karla, éminence grise du KGB aussi insaisissable et machiavélique qu’un Keyser Soze, allument dans ces moments une étincelle de danger, donc d’énergie, au cœur du film. L’effet est fort mais fugitif, puis La taupe redevient une morne plaine. On se prend à rêver à un essai postmoderne, où cette pantomime affectée d’espionnage à laquelle les personnages prennent part tels des automates serait au bout du compte exposée, par un trait d’humour grinçant ou une mise en abyme, pour le simulacre qu’elle donne l’impression d’être. Une telle révélation tragique ne viendra jamais. Au contraire, l’épilogue du film est très clair sur le fait qu’il considère comme un accomplissement considérable pour les personnages d’avoir confondu la taupe et ainsi rempli leur devoir, si vide de sens soit-il pour nous.