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- La piel que habito, de Pedro Almodovar (Espagne, 2011)
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Au ciné-cité les Halles
Quand ?
Mardi soir, en avant-première
Avec qui ?
MonFrère, sa copine et des amis à eux
Et alors ?
Au printemps dernier, Pedro Almodovar s’était fait prier pour présenter La piel que habito au Festival de Cannes. Il ne voulait pas que s’évente, plusieurs mois avant la sortie du film en salles en Espagne et ailleurs, le twist qui se trouve au cœur de son récit. L’argument est recevable sur le principe ; on aurait aimé que la découverte du film et de son fameux retournement de situation achève de nous convaincre de sa légitimité. Ce n’est malheureusement pas le cas, la surprise autant que ses répercussions sur l’intrigue étant largement éventées par la construction narrative lourde et contreproductive adoptée par le cinéaste. On comprend trop vite de quoi il retourne, et on ne voit pas bien l’intérêt d’avoir placé la révélation là où elle est, en plein milieu, plutôt qu’au début – selon un récit qui aurait alors été linéaire – ou à la fin – pour en faire le véritable point culminant du film. Le mystère de La piel que habito concerne l’identité de Vera, une belle jeune femme séquestrée par un chirurgien esthétique aussi riche et célèbre que profondément déséquilibré, Robert Ledgard. Imbu de son don sans limites dans son domaine et brisé émotionnellement par les décès de son épouse et de sa fille, Ledgard se sert de Vera pour réaliser sur elle toutes sortes de greffes expérimentales. Qui est Vera, d’où vient-elle, comment en est-elle arrivée à accepter ce rôle ambigu d’objet de désir et de séquestration de la part de Ledgard : telles sont les interrogations sur lesquelles se fonde La piel que habito…
…enfin, pour partie seulement. Car ce long-métrage souffre du même mal que le précédent film d’Almodovar, Étreintes brisées. Dans les deux cas les actes du cinéaste le rangent aux côtés des bourreaux masculins. De même que ceux-ci abrogent la liberté de leurs proies féminines, en abusant de leur talent et de leur aura, Almodovar étouffe le sujet dramatique dont elles sont les porteuses – la passion amoureuse de l’héroïne d’Étreintes brisées, la question de la fabrication physique et mentale d’un individu qui poursuit Vera dans La piel que habito. Ce qui aurait dû être le cœur unique et ardent de son récit, Almodovar le dévitalise à force de multiplier les strates narratives, et de leur accorder à toutes une égalité de traitement. Exactement comme son antihéros (alter-ego ?) Ledgard, il s’égare dans son art à lui dans une apparence de brio technique qui n’existe que dans le but de sa propre exécution. Rien de puissant n’émerge de la valse des personnages mis sur le devant de la scène (d’abord Ledgard, puis un mystérieux intrus, la gérante du domaine, à nouveau Ledgard et enfin seulement Vera) ou des va-et-vient du récit dans le temps. Cette virtuosité n’en mérite même pas toujours le nom. Elle est en effet plus souvent pesante que grisante dans sa mise en place – ça grince régulièrement au niveau des rouages, par exemple dans l’introduction des divers flashbacks. Seul résultat de ce vrai-faux tour de force, l’intérêt thématique du film s’en trouve asséché ; même si, preuve de la force intrinsèque de celui-ci, l’ombre du vertige qu’il aurait pu produire apparaît fugitivement au détour de quelques scènes. Choisir, comme l’a fait Almodovar, de filmer du point de vue de la science et de la technique un récit visant à affirmer que celles-ci ne peuvent accéder à l’âme humaine, est pour moi un contresens qui fait de La piel que habito une œuvre regardable (et écoutable ; la bande-originale composite assemblée par Alberto Iglesias est une franche réussite) mais également oubliable.