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- La nuit d’en face, de Raoul Ruiz (Chili, 2011)
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Au MK2 Beaubourg
Quand ?
Lundi soir, à 22h
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
Raoul Ruiz devait se savoir condamné à brève échéance alors qu’il concevait La nuit d’en face, son ultime long-métrage (il est mort après en avoir fini le tournage, et était atteint d’un cancer). Contrairement à bien d’autres claps de fin de carrière, non prémédités et dont les interprétations sous l’angle du « film-testament » sont de ce fait souvent boiteuses, la nature intentionnellement crépusculaire de La nuit d’en face est une évidence. Elle teinte le film tout entier d’une nuance particulière, apaisée, détachée de ce qui ancre la condition humaine dans la souffrance – les tragédies, le passage irrévocable du temps. Sans autre attache qu’un personnage qui attend sans anxiété sa mort, et semble l’avoir attendue toujours (et toujours ainsi), La nuit d’en face nous effleure telle une berceuse, suave autant qu’évanescente.
Cette conscience d’être la dernière brique, un jubilé qui n’ouvre sur rien d’autre, se décline dans l’absence d’ambition franche : aucun protagoniste charismatique et mémorable (tel le Malo de La ville des pirates), nulle ampleur vertigineuse donnée au récit (comme cela était le cas des Mystères de Lisbonne étendus sur plus de 4h30), pas d’intention chez Ruiz de renouveler le contenu de sa boîte à malices. Au contraire, il fait faire un dernier tour de piste à ses multiples tours de passe-passe visuels. La nuit d’en face est une parade, de répliques et de gestes impromptus, de collages de réalités disjointes, de cadrages truqués de manière à désarçonner l’œil, de plans-séquences enchanteurs, pour la beauté du geste avant toute autre raison d’être. La part de gratuité de la démarche est mise en sourdine par le fait que la tendance au « best-of » se retrouve dans d’autres aspects du film, lui apportant une cohérence. Ruiz se fend de renvois à plusieurs de ses créations passées, ce qui renforce d’autant le caractère intime de La nuit d’en face. Le héros Don Celso est d’ailleurs à voir comme un alter ego du cinéaste. L’un et l’autre ont en commun la malice, l’érudition, le goût pour l’entrelacement du passé et du présent, du vrai et du faux.
Cette physionomie de film mineur fait paradoxalement de La nuit d’en face un point d’entrée idéal pour qui ne connait pas le cinéma de Ruiz ; un ballon d’essai pleinement ludique et sans gravité – mais pas sans effet. Pour ce qui est sa dernière occasion de s’adresser à nous, le réalisateur nous murmure en douceur, une fois encore, le secret qui a fondé son œuvre. Il est beau et simple : selon ses termes les univers de la vie, de la mort, et des rêves sont reliés par un seul et même fil, celui des panoramiques de cinéma. Comme il l’a fait toutes ces années durant, Ruiz multiplie dans La nuit d’en face les exemples concrets de ce principe, superbes et judicieux mouvements d’appareil qui font glisser le spectateur d’une réalité à l’autre sans le moindre trouble. Le décès du réalisateur nous prive du plus bienveillant et malicieux des passeurs entre les différents niveaux de la conscience humaine.