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- La cause et l’usage, de Dorine Brun & Julien Meunier (France, 2012)
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Au MK2 Beaubourg
Quand ?
Vendredi soir, à 19h30
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
Dans une année déjà riche en documentaires de grande qualité (Les nouveaux chiens de garde, Tahrir, Vol spécial), un petit poucet s’invite à la fête. La cause et l’usage est modeste par sa durée (une heure) et son échelle : deux habitants de Corbeil-Essonnes filment la campagne de l’élection municipale qui s’est déroulée dans leur ville en 2009. La raison de ce vote est ce qui donne tout son sel (et son amertume) au film. Si les corbeil-essonnois sont rappelés aux urnes, c’est suite à la condamnation pour achat de voix lors de la précédente campagne du maire réélu Serge Dassault. Rien que ça. Et le meilleur reste à venir : évidemment déclaré inéligible, Dassault ne se démonte pas pour autant, déniche un prête-nom tout à fait accommodant (Jean-Pierre Bechter) pour être tête de liste à sa place, met leurs deux noms et photos à égalité sur les tracts et affiches, et fait campagne à sa place comme si rien n’était arrivé. Pour que le tableau soit complet, il faut savoir que l’achat de voix dont il est question n’avait rien de sophistiqué. Dassault distribuait concrètement de l’argent en ville, de gré à gré, sous forme d’enveloppes de billets ou de cadeaux immédiats – payer le permis de conduire, trouver un travail. Il ne se cachait aucunement, et il continue à en faire de même dans cette campagne : Bechter a beau multiplier les lapsus indiquant qu’une fois élu (ce qu’il a été au final, pour vingt-sept voix) ce ne sera pas lui mais Dassault qui s’occupera en réalité de tout, personne ne le reprend, ni ne le coache pour les fois suivantes.
La cause et l’usage suit les différents candidats et leurs équipes uniquement dans l’espace public, au fil des tournées des marchés, visites des commerçants, happenings, débats avec des électeurs. On n’y voit pas de confidences en tête-à-tête, pas de réunions privées pour définir une stratégie, rien d’autre que le déroulement au vu et au su de tous d’un processus démocratique d’élection. Et c’est par cette seule observation directe que le film nous instruit de ce qui ne va pas du tout à Corbeil-Essonnes, ville où les agissements d’un unique homme ont suffi à ronger la démocratie de l’intérieur, jusqu’à la gommer au profit de pratiques d’un autre temps. Dassault, l’une des plus grosses fortunes de France, a fait de Corbeil-Essonnes son fief, au sens littéralement moyenâgeux du terme. Il y règne en seigneur, faisant selon son bon vouloir la charité aux pauvres, accordant à des amis des contrats pour des chantiers municipaux, et amassant lui-même plus d’argent qu’il n’en consacre – monsieur le maire possède la plus grande entreprise de la ville, mais ne se prive pas pour en délocaliser l’activité tranche par tranche.
Là où le film se fait accablant, c’est quand il montre les effets collatéraux de cette attitude, sur l’attitude des administrés. Ceux qui ne sont pas entrés en rébellion frontale, ceux qui deviennent bénéficiaires du système, ne jurent plus que par lui, et par ricochet ne voient plus que les défauts d’un fonctionnement démocratique des affaires de la ville. C’est précisément parce qu’ils ne voient pas, ne voient plus où est le mal dans tout ça qu’ils en parlent si ouvertement, affablement même, devant la caméra. L’accumulation de leurs déclarations et de leurs actes compose un tableau terrible, et tragique – car le jour où Serge Dassault trépassera, il ne laissera derrière lui rien de durable pour assurer le développement de la ville et le bien-être de ses habitants. Petit par la taille, La cause et l’usage est un grand documentaire car il part d’un constat local pour aboutir à un avertissement général. La démocratie n’est pas un acquis, elle est au contraire extrêmement fragile et aisément balayée.