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- Happiness therapy, de David O. Russell (USA, 2012)
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Au ciné-cité les Halles, dans une salle affichant complet
Quand ?
Jeudi soir, à 20h
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
Ces dernières années, les Oscars ont pris pour habitude de permettre à des « petits » films de faire la nique aux grands : Démineurs contre Avatar, Le discours d’un roi contre The social network, The artist contre Hugo Cabret. La formule pourrait bien s’appliquer cette année encore, puisqu’au milieu de la colonne d’éléphants (de Lincoln à Argo, de Zero dark thirty aux Misérables) s’est glissée la petite souris Happiness therapy que certains voient bien chiper une ou plusieurs statuettes. Ce qui serait usurpé. Happiness therapy est une comédie romantique balisée, au contenu ordinaire recouvert d’un vernis de sophistication et d’originalité qui tient une heure avant de s’estomper. L’argument de vente du film est que les deux membres de son couple de futurs amoureux souffrent de troubles psychiatriques. Lui (Patrick) est bipolaire, capable de soudains accès de colère explosive, et sort de huit mois passés à l’asile. Elle (Tiffany) n’a pas été internée, mais a traversé une phase de nymphomanie après le décès de son mari. L’un et l’autre doivent faire face jour après jour à la sentence sans cesse reconduite de leurs pairs, qui les jugent inaptes à être des éléments fonctionnels de la communauté. Ils sont sans travail, sans moitié, sans logement en propre.
Le dilemme qui se pose au film, comme à tous ceux impliquant des personnages de fous, est de décider ce que l’on fait de ces derniers. Les accepter dans leur altérité et les laisser vivre à leur manière qui bouscule la norme ; ou alors les bousculer eux, les remodeler afin de les faire réintégrer le moule majoritaire. Happiness therapy emprunte une voie, puis l’autre après un demi-tour soudain du genre effectué au frein à main. La première moitié du récit est impressionnante d’énergie et dans la radicalité de son usage. David O. Russell y pratique le dynamitage comme seul mode d’action et d’expression, en n’épargnant aucune strate du film. Relations humaines et convenances sociales, conventions narratives, fluidité de la réalisation et du montage, sont toutes pulvérisées par le désordre interne aux personnages, principaux autant que secondaires. Les coupes entre plans comme entre répliques sont sèches, les scènes partent dans des directions inattendues quand elles ne sont pas stoppées net, les individus règlent in fine tous leurs différends par des accès de violence, verbale ou physique – au bout d’une demi-heure, Happiness therapy passe à deux doigts de se conclure précipitamment pour cause d’étripage mutuel de Patrick et ses parents.
Les choses parviennent tant bien que mal à rester à flot, et par la suite les débuts de la relation entre Tiffany et Patrick captivent par leur irrésolution, entre entente et rejet, détente et effervescence de la rage rentrée. Puis vient le fatal virage à 180 degrés, l’abjuration complète de la confusion exprimée auparavant et l’alignement sur une position raisonnable, standardisée. Expurgés de leur folie, les personnages le sont aussi de leur vie, de leur pulsation. Ils deviennent dirigés vers un but précis (un concours de danse), assignés à un planning arrêté (les entraînements entrecoupés de loisirs contraints, les matchs de football américain avec famille et amis), réduits au rang de rouages d’une mécanique insipide, sans éclat ni surprise. La mécanique triste du soi-disant bonheur conformiste façon télé-réalité, même si le film tente maladroitement de s’en distinguer par un clin d’œil à l’intention du public. Descendant en ligne directe de Little Miss Sunshine, Happiness therapy passe d’une versatilité sincère, associée au trouble de ses personnages, à une ambivalence frauduleuse, qui mime une différence factice dans le seul but d’encenser en filigrane une norme aseptisée. Symboliquement, le retournement de l’une à l’autre se produit lorsque Patrick consent à prendre son lithium, qu’il refusait auparavant car ce médicament l’« abrutit ». L’effet est le même sur le film.