• Un été sans eau, de Metin Erksan (Turquie, 1964)

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dry-1Où ?

A la maison, sur le site The auteurs, quelques semaines après l’avoir raté à la Cinémathèque

Quand ?

Ce week-end

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Ours d’or au Festival de Berlin, Un été sans eau est une œuvre à vocation universelle, loin de tous les carcans du cinéma world ayant émergé depuis et l’ayant
rendu narcissique (« regardez les problèmes de mon pays ») et édulcoré (le style formel plus ou moins unifié d’un bout à l’autre du globe). L’auteur-réalisateur Erksan emploie le motif
intemporel de la fable, pour raconter une histoire trouvant ses racines dans des préoccupations très concrètes de la Turquie rurale de l’époque – mais aussi toutes les autres contrées rurales à
travers le monde d’alors, et encore un très grand nombre de celles-ci aujourd’hui. C’est de l’accès à l’eau dont il est question, et de son impérieuse nécessité pour subsister. Le bras de fer
entre Osman, qui a la chance d’avoir sur ses terres la seule source du village et qui aspire à en avoir l’usage exclusif, et ses voisins qui ne l’entendent bien évidemment pas de cette oreille,
ouvre entre autres choses sur une problématique plus que jamais d’actualité en 2010 (cf. le récent documentaire We feed the world, qui aborde le même sujet) : l’eau
est-elle un bien privé et monnayable, ou collectif et gratuit ? La question reste au second plan dans Un été sans eau, mais elle est bien là, vivace.

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Au cœur de Un été sans eau se trouvent des élans plus humains. Les victimes de la manœuvre entreprise par Osman sont en définitive des faire-valoir, des victimes
lointaines ; Erksan s’intéresse autrement plus aux passions qui déchirent le trio principal, regroupant autour du cerveau ses deux complices malgré eux. Son petit frère Hasan et la femme de
celui-ci, Bahar, sont retenus captifs à ses côtés par les liens de la famille, faisant de Un été sans eau un huis clos à ciel ouvert. Le barrage érigé par Osman empêche,
concrètement, ceux qui se trouvent à l’extérieur de ses terres d’avoir accès à l’eau ; mais il est aussi l’expression matérielle de l’interdiction tacite faite à Hasan et Bahar de désavouer
les décisions et les agissements du maître des lieux. Leurs tentatives réitérées d’ôter la digue ont donc elles aussi un double sens, car elles visent au gain d’une double liberté : celle
des autres paysans à obtenir de l’eau pour leurs champs, et leur propre liberté vis-à-vis de la prison intime qu’est le terrain d’Osman.

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Pour exprimer les multiples émotions qui parcourent ce foyer, la mise en scène se montre plus loquace que les dialogues – faisant du film une grande et forte œuvre de cinéma. Dès les premières
scènes, avant même qu’il ne parte dans sa vrille paranoïaque et démiurgique et entraîne ses proches dans sa chute, Osman est expressément catalogué comme dangereux par la manière dont Erksan le
filme. Il y a en permanence chez lui un regard, une position, un accessoire en main (le fusil durant la célébration du mariage, par exemple) pour signaler que quelque chose couve et ne demande
qu’à éclater. L’urgence avec laquelle s’enchaînent à l’écran les événements, la plupart du temps déclenchés ou imposés par Osman, est également un signe fort de ce sombre tempérament. Le film
lui-même semble incapable d’imposer son rythme au personnage, y compris lorsque les choses que celui-ci commande devraient normalement demander du temps pour se mettre en place – le mariage
encore, le procès et la distorsion de témoignage plus tard. Bien au contraire ; quand la mandoline sur laquelle est jouée la musique se fait plus soutenue et plus déraisonnable – plus hors
de contrôle – dans la deuxième partie, celle de l’engrenage fatal, il devient évident que cet instrument, comme toutes les autres composantes du film, ne fait plus qu’enregistrer et retranscrire
sous forme de notes les pulsions et les coups de sang du personnage.

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