• Tornade de séries TV (1/4) : Boardwalk empire. « We were fucking, Eddy ! Fucking ! »

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Dès sa première minute, la nouvelle série phare de HBO place la barre très haut. Un casting étincelant (Steve Buscemi, Michael Pitt, Kelly MacDonald, Michael Shannon, Paz de la Huerta, etc.), une
musique de générique accrocheuse, et puis un nom : Martin Scorsese. Lequel n’a pas rejoint le projet Boardwalk empire pour y jouer un simple rôle de superviseur (à
la Spielberg, lointain producteur exécutif sur The Pacific) ou d’exécutant, tel Barbet
Schroeder ou Quentin Tarantino venant s’amuser à se fondre dans le moule du fonctionnement télévisuel le temps de réaliser un épisode de – respectivement – Mad Men et Les experts.
C’est évident à l’écran : l’épisode pilote de Boardwalk empire, dont la durée atteint 72 minutes, est un film de Scorsese à part entière.

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Tout d’abord, il s’agit d’un film, c’est-à-dire de cinéma. Ce caractère transparaît dans la manière dont le récit est conduit, son rythme modulé, et dont ses protagonistes sont introduits puis
traités. Boardwalk empire ne contient aucune trace des éléments de structure aussi rigides que voyants qui sont fréquemment à l’œuvre dans les séries, au moins dans leur
phase de lancement : voix-off, première aventure/mission à blanc ou presque, longs tunnels de dialogues introductifs… L’exposition au sein de ce pilote suit au contraire les règles
d’efficacité en vigueur au cinéma, où il est hors de question de perdre son temps là-dessus. On se retrouve immédiatement embarqué dans le tourbillon des intérêts et rivalités avivés par
l’instauration de la Prohibition aux USA (plus spécifiquement, la ville d’Atlantic City) en 1920. Le panier de crabes rassemble des personnalités officielles – politiques, policiers – espérant
l’emporter sur les deux tableaux de la répression et du trafic, leurs hommes de main qui rêvent à une part plus grosse du gâteau, des membres de ligues de vertu, et bien sûr les familles de tous
ces gens afin d’étoffer le tableau.

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Scorsese replonge ainsi dans le milieu des gangsters qu’il sait si bien traiter. Il le fait avec gourmandise, en ne bridant absolument pas son goût pour l’accompagnement musical des scènes et
pour les effets de montage qui cognent. D’autre part, il prend plaisir à aller picorer dans d’autres univers de cinéastes que le sien de quoi garnir sa vision de l’histoire : une scène
d’enterrement symbolique et ironique de l’alcool directement empruntée à Il était une fois en Amérique , des clans mafieux
italiens cousins des Corleone du Parrain, une concentration géographique exagérée des bâtiments-clés du récit qui rappelle Moulin Rouge !,
viennent s’agréger à une tonalité générale chaotique et grisante qui s’inscrit dans la foulée de celle de Gangs of New York. Comme c’est d’usage chez Scorsese,
les acteurs trouvent un cadre qui leur permet de se distinguer en tant qu’ensemble – même si Michael Pitt a le potentiel pour voler la vedette et le show avec.

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L’écriture de ce premier épisode est un peu en retrait du reste, même si elle n’est pas dénuée de qualités. Les perversions qui emplissent les personnages (sexe, violence, alcool, cupidité) sont
remarquablement manifestées, et la peinture de l’Amérique de l’époque sait trouver les détails anecdotiques qui donnent tout son sel à l’ensemble – un combat de boxe entre nains, un numéro de
stand-up, la révélation presque par hasard qu’un des personnages se nomme… Al Capone. Mais avec un tel départ, le défi qui se présente au devant de Boardwalk empire est
bien de se maintenir à un tel niveau même avec une présence moindre de Scorsese, retourné à des tournages de cinéma (tout en gardant un œil sur la série). L’écriture ne pourra donc se contenter
d’être bonne ; elle devra être excellente.

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