• Robocop, de Paul Verhoeven (USA, 1986)

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Où ?
A la maison, en DVD zone 2 (l’édition spéciale MGM, qui commence à dater mais reste un incontournable)

 


Quand ?

 

Le week-end dernier

 


Avec qui ?

 

Seul

 


Et alors ?

 

Il se passe presque toujours quelque chose dans les DVD des films de Paul Verhoeven. Le summum insurpassable de ce principe est atteint dans le commentaire audio qui accompagne
Starship Troopers, à la suite duquel est apparu le message « les avis des intervenants n’engagent qu’eux-mêmes et en aucun cas le studio Machin » présent
désormais sur tous les films. L’interactivité de l’édition spéciale de Robocop n’est pas aussi dévastatrice, mais il s’en faut d’assez peu. Le court mais dense (35min)
making-of est ainsi un modèle dans la catégorie « plus le temps qui séparé un documentaire d’un film est long, plus les langues se délient », avec un défilé de témoignages –
réalisateur, scénaristes, producteur, équipes des effets spéciaux… la seule absence notable est celle des acteurs – d’une franchise qui laisse pantois.

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Nous sont ainsi exposés frontalement les difficultés à lancer le projet, le budget et les délais largement dépassés, les problèmes liés au costume de Robocop, les luttes de visions ou d’egos…
Mais aussi directes que soient ces évocations, elles semblent bien peu de choses face aux 10 dernières minutes consacrées à la portée politique du film. Aucun des participants ne cache sa
sympathie envers le message porté par Robocop (superbement défini comme « un film au point de vue libéral exprimé de manière fasciste »), ni son
horreur face à la manière dont la situation réelle a empiré en 20 ans, au point de surpasser l’anticipation cauchemardesque qu’ils avaient imaginée. Plus fort encore, ils ne s’arrêtent pas au
constat mais osent des interprétations, forcément polémiques : la mentalité capitaliste et isolationniste de l’Amérique est attaquée à boulets rouges. Chez le toujours provocateur Verhoeven, cela
donne la théorie (mise en pratique dans le film et décortiquée dans le making-of) du « Jésus américain », qui prêche la rédemption par la vengeance et la conversion par les armes à feu.
A voir l’accueil offert à Robocop à sa sortie par des foules emballées sans avoir forcément saisi toute l’ambivalence du message, il a mis là le doigt sur un point très
pertinent.

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Les quelques scènes coupées, pour la plupart des saynètes supplémentaires de la fausse télé (infos, pubs) créée par Verhoeven, prolongent l’ironie à double tranchant. Le module consacré à
l’animation du robot policier ED-209, le concurrent de Robocop, rappelle comment on faisait des effets spéciaux avant les ordinateurs. Enfin, pour conclure sur les suppléments, le commentaire
audio, malheureusement non sous-titré, complète le making-of par des anecdotes (les manipulations du plan de production pour tourner la scène-clé en dernier et être sûrs d’obtenir la rallonge
budgétaire) et des développements moins limités dans le temps – la thématique christique chère au cinéaste, la charge anti-Reagan qui devient anti-Bush en raison de la date d’enregistrement
(2003).

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Resserré et densifié au maximum (à peine plus d’une heure et demie), Robocop n’y va pas de main morte pour rentrer dans le lard des dérives de la vision du monde chère à
ces 2 présidents malheureusement emblématiques. Le ton est donné dès le prologue qui nous bouscule par surprise, avec un flash info international au vitriol – qui préfigure d’ailleurs
Starship troopers – et une pub du même tonneau. Et jusqu’à l’autre bout du film, Verhoeven ne s’arrêtera pas d’utiliser les jouets mis à sa disposition (un héros et un
scénario de comic book, un univers de science-fiction avec les effets spéciaux et les accessoires associés) pour faire sa tambouille contestataire, provoc – et visionnaire, on l’a dit.

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Avec beaucoup de ruse et d’habileté, il entretient son feu nourri contre le modèle néolibéral américain (fait de holdings combinant organes de presse et marchands d’armes, de campagnes marketing
lobotomisantes, d’une atmosphère générale de marchandisation de tout et de tous) via des détails et des détournements pervers. Chaque fusillade est traitée de manière exagérément gore, et toutes
mettent face à face des forces de l’ordre totalitaires et des méchants crétins et immatures plus que vraiment dangereux. Quant aux scènes calmes, elles sont émaillées de phrases qui tranchent
elles aussi dans le vif : « The best way to steal is free entreprise », « You’re our product, and our products don’t turn themselves against us ».

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Dans le même temps, le réalisateur prend soin de donner à son récit le grand souffle lyrique qui manquait clairement (et peut-être volontairement) à Starship troopers
pour passer aussi bien vis-à-vis de la société américaine que ce film-ci. Verhoeven fait de Murphy/Robocop un personnage tragique poignant et inoubliable, en poussant tous les bons boutons pour
cela. La musique royale de Basil Poledouris, les cadrages homériques, l’utilisation inspirée de la vision subjective (qui culmine dans le flash-back dans l’ancienne maison de Murphy),
l’exagération assumée des péripéties forment un ensemble royal pour inventer une figure héroïque mémorable. Malgré quelques chutes de rythme ça et là (le 3è acte, laborieux et un peu vain),
Robocop est un grand film grâce à ce mélange de classicisme et de malice.

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