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- Retour sur Redacted (Brian De Palma, USA)
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Où ?
A l’UGC Orient Express, où il était relégué pour ses derniers jours d’exploitation après un petit passage d’à peine un mois (le film a été très mal distribué, principalement dans des
multiplexes, endroit le moins propice possible pour de telles œuvres) ; puis à la maison, sur le DVD zone 1 pour les bonus.
Quand ?
Fin mars
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
J’avais déjà écrit un billet sur Redacted, à chaud après sa découverte en
avant-première en novembre dernier. Le revoir quelques mois plus tard n’a aucunement entamé mon enthousiasme, mais permet de mieux se rendre compte de la grande intelligence de De Palma, qui se
traduit par une progression stylistique parfaitement calculée d’un bout à l’autre du métrage.
Ainsi, après une présentation très formelle des personnages – un bataillon de soldats d’infanterie en Irak – et du principal support visuel du récit (le journal de bord en vidéo d’un de ses
soldats, en caméra subjective donc), la 1ère scène où Redacted entre dans le vif de son sujet est un documentaire français ou canadien sur le fonctionnement au quotidien
d’un barrage américain sur un pont. On y voit l’ennui profond des soldats sous une chaleur écrasante, l’incompréhension entre la population irakienne et eux, les humiliations que les seconds font
subir aux premiers par vengeance ou complexe de supériorité. Contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là, je ne pense pas que ce faux documentaire ait une visée ironique, envers la bonne
conscience des français anti-guerre ou le besoin des journalistes de dramatiser. De Palma est aussi sincère dans ces images qu’ailleurs dans le film, et les emprunts voyants qu’il s’autorise -
couleurs saturées des films stylisés situés au Moyen-Orient, même gros plan sur un scorpion attaqué par des fourmis que dans La horde sauvage, même musique de Haendel
que dans Barry Lyndon – ne jouent pas le rôle de clins d’œil cinéphiles mais
d’inscription de cette partie du récit dans un cadre : celui des « anciennes » images, du cinéma classique.
Or ces anciennes images sont inefficaces à saisir un conflit moderne tel celui qui se déroule en Irak. Elles épousent un angle trop maîtrisé, et par conséquent trop neutre. Dès lors, les voilà
incapables de se déplacer sur les nouveaux champs de bataille, visibles – chaque maison, chaque terrain vague – ou non (les mentalités des soldats). De Palma se reporte donc sur les nouveaux
media, et brasse sans faire de distinction basée sur la qualité ou la noblesse des images films amateurs, caméras de surveillance, dialogues ou monologues via webcams, flashs infos du camp
adverse. Comme je l’ai écrit dans mon 1er article sur Redacted, ce film est une démonstration que l’on peut aujourd’hui vivre en quasi-direct une guerre se déroulant à
plusieurs milliers de kilomètres. Toute réaction qui ne soit pas elle aussi en quasi-direct en devient donc hypocrite.
Pour autant, De Palma ne tire pas de cette constatation une adoration aveugle de ces nouvelles images. Au contraire, il met en accusation leur effet pervers sur le comportement de tout un chacun.
Redacted est autant un film sur la guerre en Irak (laquelle est traitée selon des méthodes théâtrales vieilles comme le monde : unité de lieu, récit sans
digression, personnages au grotesque tragique) que sur notre rapport à ces images envahissantes, omniprésentes. Comme le dit un dialogue du film, « nous sommes tous
spectateurs » de tout ce qui se produit partout, à n’importe quel moment ; la prolifération est telle que même les acteurs d’un drame en train de se jouer ont constamment à
l’esprit cette conscience de spectateur, de leur propre image. Dans une situation extrême – comme par exemple ici recruter des crétins finis et les placer en situation de toute puissance dans un
pays dont ils ne connaissent rien et qu’ils méprisent -, cette transformation de tout événement en un spectacle médiatisé revient à jeter de l’huile sur le feu. Redacted
n’est donc pas juste un remake actualisé d’Outrages, ainsi que je l’ai écrit ; c’est un remake en pire, où la bestialité et l’affaiblissement de la civilisation
sont décuplés, déchaînés.
Le principal supplément de cette édition poursuit dans cette thématique peu amène. Une heure de récits (sous-titrés en anglais) d’irakiens exilés dans la Jordanie voisine contient plus que son dû
d’humiliations, de violences, de peur panique. Dans chaque témoignage, 2 questions désespérées reviennent invariablement : « Qu’avons-nous fait aux américains ? » et
« Qu’allons-nous devenir maintenant que notre pays n’est plus que ruines ? ». 2 questions auxquelles aucune réponse satisfaisante n’existe.
Les 2 autres bonus consistent en un making-of minimaliste (on y suit le tournage d’une unique scène, sans prise de recul ; du coup le seul intérêt est 1 split-screen entre le résultat à
l’écran et le processus de fabrication, cf. la capture ci-dessous) et une courte interview de De Palma. Celle-ci constitue un bon résumé du pourquoi du comment du film (le choix de la HD, la
colère anti-guerre, le foisonnement d’images sur internet). La fin de l’interview est particulièrement intéressante : De Palma part dans une diatribe – clairement non maîtrisée par son
interlocuteur – sur la philosophie capitaliste qui digère tout ce qui se présente sur sa route (« it makes revolutions rich »), avant d’être coupé abruptement par la fin du
bonus. Comme il le fait dans son film, le cinéaste déchire ici sans ménagement l’écran de fumée de la langue de bois.
[...] et Mission to Mars est loin de dégager le même trouble et la même perversité que Redacted ou Phantom of the Paradise. Mais en route, le cinéaste est tout de même parvenu à se donner [...]