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- Reality, de Matteo Garrone (Italie, 2012)
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Au MK2 Quai de Seine
Quand ?
Lundi soir, à 22h
Avec qui ?
MaBinôme
Et alors ?
Pour Gomorra, le long-métrage qui l’avait révélé et lui avait rapporté son premier Grand Prix au festival de Cannes, Matteo Garrone s’était appuyé sur le riche travail d’investigation sur la mafia effectué par le journaliste Roberto Saviano, auteur du livre à l’origine de ce film. Pour Reality, qui lui succède quatre ans plus tard et est à son tour reparti de Cannes avec le Grand Prix, Garrone a travaillé sans filet, sur un sujet original de son invention. La comparaison entre les deux œuvres ne tourne pas en faveur de la seconde manière de faire : Gomorra est foisonnant et captivant de part en part, Reality s’assèche progressivement et finit aussi exsangue que son unique et peu convaincante idée de scénario.
Au bout du compte, l’idée en question fait figure d’erreur malheureuse, car le film se portait bien mieux sans elle. Avant que son héros, Luciano, ne devienne obnubilé par la possibilité de participer à l’émission de téléréalité Grande fratello (le Loft story italien), Reality est un portrait de groupe, bouillonnant de vie à tous les niveaux. Garrone y panache avec bonheur la truculence et la candeur que dégagent ses personnages, rattachés à Luciano par des liens familiaux ou de voisinage. L’évident plaisir qu’il prend à les côtoyer et à nous faire découvrir leur quotidien irrigue les belles premières scènes, grevées par aucune contrainte narrative et animées de la simple envie d’être là, dans la réalité. L’œil de Garrone pour les décors (intérieurs comme extérieurs, majestueux ou réduits), qui crevait l’écran dans Gomorra, fait à nouveau mouche ici. La cour de l’immeuble où habite Luciano, la place du village où se trouve sa poissonnerie, même les pièces des appartements, sont des endroits à la fois parfaits en eux-mêmes et qui grandissent ceux qui les occupent. La mise en scène est porteuse d’un pouvoir similaire. Par son travail du plan-séquence, le plus souvent à l’épaule et à hauteur de personnages, Garrone inscrit dans la durée la promiscuité entre eux et nous ; tandis que son cadre large, généreux, investit l’espace et confère une ampleur véritablement cinématographique à ces tranches de vie.
La bascule vers un récit balisé s’opère assez tardivement, par effraction plus que de manière naturelle. Et plutôt que de cohabiter avec les bons éléments déjà établis, cette histoire de téléréalité va complètement phagocyter Reality, tel un virus ravageur. Le champ de vision du film se referme sans équivoque, laissant sur le bas-côté toutes les figures et intrigues annexes qui faisaient pourtant sa richesse. On peut objecter que Garrone cherche de cette façon à épouser la trajectoire dramatique suivie par son héros, qui se coupe de tout et de tous à mesure que son obsession enfle. Mais pour que cette option soit efficiente, il aurait fallu que le réalisateur ait un discours fort à tenir sur le thème choisi. C’est loin d’être le cas, même si en comparaison de Superstar Reality fait figure de chef d’œuvre. Les quelques éclairs d’inspiration (la scène du grillon) ne peuvent compenser la pauvreté d’ensemble de l’argumentation de Garrone, qui a bien de la peine à donner un souffle à son entreprise. Il s’enfonce peu à peu dans la répétition engourdie et la dénonciation molle, jusqu’à une fin en cul-de-sac qui laisse franchement insatisfait. La vacuité de son propos (Garrone invente l’eau tiède en semblant découvrir la propension des êtres humains à se consumer dans l’obsession, syndrome qui n’a pas attendu la téléréalité pour exister) est telle qu’elle rend énervants les effets de mise en scène qui l’accompagnent. Ce sont pourtant les mêmes, en miroir, que ceux qui s’avéraient si plaisants dans l’ouverture du film. Mais ils véhiculaient alors une humeur et une attitude qui donnaient envie d’être partagées.