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- Pour l’Italie : Avanti !, de Billy Wilder (USA, 1972)
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Où ?
A la maison, en DVD zone 2 (et oui, coffret Billy Wilder, encore et toujours)
Quand ?
Mardi soir
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
En 1972, Billy Wilder n’a plus Hollywood à ses pieds comme dix ans avant lors des succès de Certains l’aiment chaud ou La garçonnière. Au contraire même, la production pleine
d’embûches et la réception catastrophique de La vie privée de Sherlock Holmes l’ont envoyé vers une pré-retraite moyennement désirée, à cheval entre l’Europe (ce Avanti
!, puis Fedora en Allemagne) et deux ultimes pochades avec son duo complice Jack Lemmon et Walter Matthau (The front page et Buddy buddy).
Loin des faveurs du centre du monde cinématographique, Wilder n’en a cependant pas perdu son talent d’auteur.
L’exil en Italie, plus précisément sur
l’île paradisiaque d’Ischia (la petite sœur plus tranquille de Capri, au large de Naples), qui accompagne la réalisation de Avanti ! est en effet pour lui l’occasion de délivrer
l’une des œuvres anti-américaines les plus intelligentes qui soient. Wilder envoie pour cela au front son plus fidèle acteur, Jack Lemmon. Ce dernier joue le rôle d’Armbruster, un américain
symbolisant toutes les valeurs productivistes et matérialistes de son pays – une évolution logiquement plus âgée, et forcément plus aigrie, du personnage encore insouciant et rieur qu’il
incarnait douze ans plus tôt dans La garçonnière. En vieillissant, il est devenu l’équivalent calculateur et acerbe de son patron d’alors, Sheldrake. Et si Wilder s’amuse à forcer
le trait, c’est bien sûr pour que le choc de la confrontation avec la légendaire dolce vita napolitaine soit encore plus ravageur pour Armbruster et pour nos zygomatiques.
Le prétexte à cette rencontre entre un homme et une culture est la mort soudaine du père d’Armbruster dans un accident de voiture pendant ses vacances annuelles à Ischia. La stratégie de la
lenteur que Wilder et son co-scénariste I.A.L. Diamond se plaisent tant à appliquer fonctionne à la perfection une fois de plus au cours du premier acte du film, organisé en trois grandes
séquences qui développent chacune au maximum leur potentiel comique avant d’en arriver à la révélation scénaristique qui les sous-tend. C’est tout d’abord un échange burlesque de vêtements dans
un avion – car Armbruster n’a pas eu le temps de se changer entre la nouvelle apprise sur un parcours de golf de la mort de son père et l’arrivée à l’aéroport ; puis un brillant ping-pong verbal
à trois entre Armbruster, le gérant de l’hôtel à Ischia et une mystérieuse jeune femme, Pamela – dont l’on apprend finalement qu’elle est la fille de la maîtresse cachée du père du héros, morte
avec lui ; et enfin, après déjà 40 minutes de film, la découverte des deux corps par leurs enfants dans une morgue improvisée dans l’église locale (« The walls are that thick. It’s the
coolest place in town »). Avanti ! atteint alors pour la première fois ce point de perfection où l’humour et l’émotion s’entremêlent merveilleusement, sans que l’un des
deux n’abîme l’autre.
Cet état de grâce se retrouvera une seconde fois plus d’une heure plus tard, à l’attaque du dernier acte, lorsque Armbruster et Pamela scellent leur passion naissante par un baiser aussi tardif
et tendre que celui de La garçonnière. Alors, effectivement, avant d’en arriver là le film est passé par des détours scénaristiques inutiles ou traînant en longueur ; quant au
troisième acte, il enfreint la règle édictée par Wilder lui-même selon laquelle les événements qui se produisent alors doivent découler naturellement de ce qui a précédé et non surgir de nulle
part. Mais tout est pardonné : le général américain bouffon qui débarque alors de son hélicoptère est une source intarissable de blagues décapantes sur les USA (« Greece is more on the
left, my general » « What ?!? Not while I’m at the Foreign Office ! »). Et le plaisir pris par Wilder à détailler tout ce qui fait le charme de l’Italie, sa langue
chantante, sa gastronomie divine, son soleil resplendissant, en bref son invitation à la joie de vivre, est purement irrésistible. Le choix d’une fin douce-amère plutôt que d’un plat happy-end
est un dernier pied-de-nez narquois à l’Amérique : Armbruster, et à travers lui tous ses compatriotes, est trop affairé à gérer son business et celui du monde – qui n’en demande pas tant – pour
s’autoriser à profiter réellement de la vie pendant plus qu’un mois par an.