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- Pierre et le loup, de Suzie Templeton (Angleterre-Pologne, 2006)
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Où ?
A la maison, en DVD zone 2 déniché au fond du rayon enfants à la Fnac (le Blu-Ray est plus facile à trouver…)
Quand ?
Dimanche soir
Avec qui ?
Ma femme
Et alors ?
Mon humble avis n’engage que moi, mais je considère l’animation en stop motion comme l’un des processus artistiques les plus stupéfiants qui soient. Cette technique du « mouvement
arrêté », popularisée par L’étrange Noël de M. Jack ou plus récemment Coraline, consiste à revenir à l’unité de base du cinéma : l’image. Une seconde de film, c’est en réalité un ensemble de 24 images fixes
présentées les unes à la suite des autres sur la pellicule qui sert de support à la projection (la discontinuité entre les images est invisible à l’œil nu car la fréquence de défilement des
images – 1/24è de seconde – est inférieure à la persistance rétinienne – 1/10è de seconde – fin de la parenthèse mathématique). Dans un film classique en prises de vues réelles, cette séparation
d’une action continue en 24 images disjointes est opérée par la caméra. Dans un film animé en stop motion, les 24 images sont réalisées une à une, avec une caméra qui a dès lors plus à
voir avec un appareil photo, et un animateur qui vient entre chaque prise appliquer aux décors et aux marionnettes l’infime mouvement devant être le leur dans le 1/24è de seconde séparant deux
images. Un travail de titan, dont la démesure et – surtout – la qualité et la crédibilité du résultat final laissent pantois devant chaque minute de chaque film réalisé selon cette méthode. (Il
est tout aussi impossible de ne pas s’émerveiller devant les bonus des DVD de ces œuvres, chaque fois qu’ils montrent les animateurs au travail).
Cette adaptation du Pierre et le loup de Prokofiev est un court-métrage d’une demi-heure (qui a au passage obtenu l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation en début d’année).
C’est bien moins long que les films hollywoodiens cités plus haut, mais c’est déjà particulièrement long dès lors que le film est sans dialogues ; et que donc, à moins de se reposer
entièrement et médiocrement sur les mélodies ultra-célèbres de Prokofiev (chose qui n’est absolument pas à l’ordre du jour : les premières notes de musique ne se font entendre qu’à la
cinquième minute), il a pour unique atout potentiel pour convaincre l’animation des ses personnages, humains et animaux, épaulée par sa mise en scène.
Et convaincant, ce Pierre et le loup l’est bel et bien. Il est même impressionnant, pour les enfants mais aussi pour les adultes. Cette réussite est avant tout le fruit d’un
travail de pré-production superbe, qui a abouti à la création de décors immenses (170 m² pour le principal, celui de l’étang gelé à l’orée de la forêt) et cependant fourmillant de détails, et de
marionnettes étonnantes de charisme, de dynamisme – de vie. Un simple coup d’œil à l’une ou l’autre des images fixes qui illustrent cet article suffit pour tomber sous leur charme et les
suivre avec enthousiasme dans leurs aventures. Quant à la multiplicité d’expressions et de mouvements dont leurs créateurs sont parvenus à les affubler d’un bout à l’autre du film, elle est rien
moins que renversante. Un préféré personnel (par-delà les évidents regards pénétrants de Pierre et du loup) ? Le rattrapage désespéré des pattes arrière du chat sur un moignon de branche
lorsqu’il grimpe à un arbre pour échapper au loup. Ça dure à peine plus d’une seconde, ça se passe au second plan et peut donc aisément passer inaperçu, et c’est dès lors d’autant plus beau d’y
avoir pensé.
Sur cette base déjà fort riche, la réalisatrice Suzie Templeton appose une science de la mise en scène (cadrage, rythme du montage, décrochages qui font rebondir l’action… ainsi qu’une manière
intelligente d’utiliser les images de synthèse non comme une béquille mais comme un facilitateur permettant d’avoir plus de latitude dans l’usage de la stop motion) et une ambition qui
permettent à Pierre et le loup d’échapper à toute classification trop facile et réductrice. C’est un conte pour enfants qui apprennent à grandir mais aussi une œuvre
ambiguë : le début est très sombre, et lors de l’épilogue Pierre et le loup sont montrés comme partageant un semblant de complicité ainsi qu’une certaine ressemblance dans l’attitude. C’est
un récit comique (le personnage du chat) autant qu’un film doté de séquences au suspense affirmé, tel l’affrontement entre les deux protagonistes principaux reliés malgré eux par une corde. Avec
une remarquable optimisation de ses moyens, Pierre et le loup nous happe dans son univers envoûtant, mature et protéiforme – et ne nous relâche qu’au tout dernier plan, le souffle
court et les yeux remplis d’étincelles.