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- Pas d’orchidées pour Miss Blandish, de Robert Aldrich (USA, 1971)
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Où ?
A l’Action Christine
Quand ?
Samedi après-midi
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
S’il est bien évidemment toujours exagéré d’affirmer qu’un cinéaste ait pu inventer ex nihilo un genre en un seul long-métrage, il arrive tout de même de temps à autre que l’on se
retrouve face à un film tout proche de convaincre de se lancer dans une telle déclaration. Pas d’orchidées pour Miss Blandish (en anglais The Grissom
gang) est un de ces films, tant ce polar mené à cent à l’heure par Robert Aldrich préfigure de manière vivace le genre du slasher sauvage et implacable à la Massacre à la
tronçonneuse. Les deux réalisations ne sont séparées que par deux petites années, et les clans familiaux de bad guys qui les peuplent le sont par encore moins. Les Grissom
d’Aldrich ont encore en eux le soupçon de normalité suffisant pour ne pas se trouver repoussés de manière irrévocable à l’écart de la société des êtres civilisés, sort subi par la famille
dégénérée et consanguine des Hewitt de Massacre à la tronçonneuse. Au lieu de mener une vie recluse dans la forêt dans l’attente du prochain voyageur égaré, les Grissom
s’épanouissent dans le crime organisé (exécutions sommaires, extorsions, speakeasy…) sous les ordres de Ma, la despotique génitrice du clan. Les quatre fils de Ma battent en crétinerie
les Dalton, et le glissement vers l’horreur du tableau offert par la famille Hewitt n’est peut-être finalement qu’une question de temps et de reproduction des générations, les aventures des
Grissom se déroulant un demi-siècle plus tôt, pendant la Prohibition.
Comme pour les Hewitt, c’est un kidnapping féminin – celui de la Miss Blandish du titre, descendante jeune et jolie d’un millionnaire – qui va mener les Grissom à leur perte. Ou plutôt une
« récupération » de kidnapping : Barbara Blandish est en effet tout d’abord enlevée, au prix d’un accrochage meurtrier avec son fiancé, par un autre trio de bandits à la manque
situés encore plus bas dans l’échelle du crime que les Grissom, et que ces derniers vont se faire un plaisir d’éliminer pour reprendre en main l’affaire. Le récit n’a pas commencé depuis vingt
minutes qu’il a déjà laissé quatre cadavres au bord de la route, exécutés aussi froidement par leurs assassins – qui ne font preuve d’aucune hésitation – que par Aldrich, qui affiche à l’écran
une violence explicite et ensanglantée dans la lignée de l’alors tout récent Bonnie & Clyde. A l’exception d’une petite baisse de rythme en fin de parcours, la suite du film sera tout aussi frénétique (presque plus
que Kiss me deadly, l’étalon en matière d’intrigue survoltée réalisée par Aldrich lui-même), cruelle et saignante.
La finalité de quasiment toutes les scènes est la mort d’un ou de plusieurs personnages, selon le canevas qui sera repris par la suite avec bonheur par les slashers. Les protagonistes ne
sont pas là pour développer un caractère mais pour garnir la file d’attente des victimes de cette violence insatiable. Aldrich a alors l’intelligence de faire ce qui fait aussi les grands
slashers : plutôt que de dérouler à contrecœur ce programme brutal, il l’adopte sans hésitation et l’agrémente d’une mise en scène elle-même débordante de brutalité. J’ai déjà parlé
plus haut de la représentation tranchée de la violence physique, mais il faut y ajouter quantité d’autres agressions formelles perpétrées par le réalisateur – qui ne perd cependant à aucun
moment le contrôle de sa bête féroce. Visages grotesques de ses antihéros à moitié demeurés cadrés le plus souvent possible en gros plans serrés (le pire étant Slim Grissom, chaînon manquant
entre Averell Dalton et Leatherface qui découvre l’amour sous les traits
de Barbara Blandish et décide en conséquence de la séquestrer pour son seul profit), décors au dernier stade du délabrement ou au contraire brûlant la rétine par leur mauvais goût et leurs
couleurs criardes, musique déchaînée jouée à plein volume, scénario éclaté en plusieurs pistes parallèles décochées telle une rafale de mitraillette… Pas d’orchidées pour Miss
Blandish est un jeu de massacre si paroxystique qu’il n’y reste plus de place visible pour une dimension politique semblable à celle qui guidait Kiss me deadly.
Mais celle-ci est là, tout de même, en filigrane derrière la misanthropie désespérée d’Aldrich et la fuite en avant vers le désastre qui en découle.