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- Nouvelle cuisine, de Fruit Chan (Hong Kong, 2005)
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Où ?
Chez moi, en DVD zone 2
Quand ?
Il y a 10 jours
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Intelligent, joyeusement cynique et tout à fait déconseillé aux âmes sensibles, Nouvelle cuisine est un petit bijou du genre horrifique malheureusement sorti en catimini dans les
salles. En point de départ du scénario, on trouve la « vieille » Madame Lee, 35 ans, qui décide de tester une recette de raviolis miracles concoctée par la mystérieuse Mei dans le but de
récupérer les faveurs de son mari volage, qui préfère s’ébattre avec des jeunettes de vingt ans plutôt qu’avec elle. Grâce à un ingrédient secret, ces raviolis apportent en effet la jeunesse
éternelle à qui les mange…
En dévoilant très vite la nature de cet ingrédient (peu ragoûtant et fortement transgressif), le réalisateur Fruit Chan centre clairement son film sur les motivations des personnages plus que sur
l’horreur graphique. Ses antécédents de réalisateur de drames plus classiques et le casting hétéroclite qu’il a rassemblé devant la caméra – une actrice de comédie (Miriam Yeung), une expatriée
(Bai Ling) et un ancien premier rôle sur le retour (Tony Leung Ka-Fai) – permettent à Fruit Chan d’instiller dans ce film de commande une parabole cinglante sur les travers de notre société.
Professionnellement comme dans la vie privée, être ne compte plus et seul le paraître importe – quel que soit le prix à payer. Mais ce prix n’est élevé que financièrement et éthiquement, deux
aspects sur lesquels les nantis de ce monde auxquels appartiennent les époux Lee peuvent bien se permettre quelques sacrifices, surtout lorsque ceux qui en souffriront le plus ne sont pas
eux-mêmes mais des tiers innocents et moins favorisés par la vie. Ces rapports de force immuables qui régissent le monde s’exacerbent dans la dernière partie du film, où sensualité et brutalité
s’amalgament alors que les protagonistes atteignent le monde de plaisirs exquis promis par Mei. Leur avidité s’en trouve décuplée et les pousse dans un « chacun pour soi » dévastateur, dont
l’aspect le plus effrayant est qu’il semble ne jamais devoir rencontrer de limites.
L’horreur de Nouvelle cuisine trouve donc ses racines dans un lieu invisible – les pensées de ces personnages. Mais Fruit Chan va à l’encontre du souci de discrétion de ces
derniers, et prend un plaisir ironique à donner une extension visuelle et sonore explicite à la violence de leurs désirs, leurs recettes et de leurs conséquences. Celles-ci ne sont jamais
laissées hors champ, mais sont au contraire exposées avec une crudité tour à tour grotesque et glaçante, qui nous bouscule et nous prend à partie. Dans ces scènes, Chan exploite à merveille
l’ambiance visuelle et sonore créée par l’association d’une bande-originale percutante (qui joue en particulier sur une utilisation pétrifiante des cuivres) de la lumière tantôt envoûtante et
tantôt poisseuse de Christopher Doyle. Au total, il signe pour son coup d’essai un grand film d’horreur, terrifiant, dérangeant et intelligent.