• Midnight meat train, de Ryuhei Kitamura (USA, 2009)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!



Où ?

Au Publicis, cinéma doublement décalé : entre l’excellence de ses installations – l’un des seuls projecteurs numériques de Paris, entre autres choses – et sa programmation résolument
« bis » (films d’horreur et comédies absurdes / trash à foison) ; et entre son positionnement idéal sur les Champs-Élysées et sa (non-)notoriété

 

Quand ?

Samedi soir, à 22h

 

Avec qui ?

Mon frère, qui n’était encore jamais venu dans ce cinéma

 

Et alors ?

 

Puisque les blockbusters dignes d’intérêt ne semblent pas être de la partie cet été (dernier exemple de ratage en date, Harry Potter 6), autant reporter notre attention sur
leurs petits frères honteux : les films d’horreur gore. Midnight meat train en est un représentant tout à fait (in)convenable, qui mérite d’autant plus un coup d’œil que
sa sortie dans les salles françaises est quelque peu miraculeuse. Fini depuis plus d’un an, le film n’est paru qu’en DVD aux USA (et dans de nombreux autres pays) avant de passer au Festival du
film d’horreur de Gérardmer, d’où il repartit avec deux prix – et une résurrection, aussi modique soit-elle – cinquante copies en France, dont trois à Paris.

Midnight meat train est adapté d’une nouvelle d’un des grands noms de l’horreur contemporaine, Clive Baker. C’est une limite, car le film ne cherche à aucun moment à transcender
cette courte histoire – dont la seule raison d’être est son rebondissement final. C’est aussi et surtout une force, car le film fait un excellent travail à nous mener par le bout du nez jusqu’à
ce rebondissement. Pas de concession au politiquement correct, pas de dispersion inutile sur des à-côtés superflus, pas d’arrière-pensée au moment de mettre les deux pieds dans le trash,
simplement la fermeté et l’efficacité d’un récit qui sait où il va et comment il y va – tel un métro sur des rails. Tel le métro dont il est ici question, qui file à toute berzingue sous New York
sur les coups de 2 heures du matin et à bord duquel le héros se met à suivre tout seul un type, boucher de profession, baraqué et mutique (l’ex-footballeur anglais devenu « acteur »
Vinnie Jones, parfait dans ce rôle), qu’il pense être responsable de plusieurs enlèvements. La curiosité est un vilain défaut, et dans un film d’horreur, quand elle est associée au statut de beau
gosse casé avec une jolie blonde, elle vous mène tout droit en enfer pour le plus grand régal des spectateurs. Bien fait. [Détail amusant et éloquent quant à leur « délit » de belle
gueule : les interprètes du couple de héros ont tous les deux fait un petit tour par la série Nip/Tuck].

Tant qu’il se tient dans les limites du plausible, le scénario assure un rythme allant crescendo suffisamment soutenu, et accompagné de petits pics de stress sanguinolent qui sont les bienvenus
(le marteau de boucher dont est armé le tueur fait à chaque fois son effet, mi-burlesque mi-traumatisant). Tout se joue donc dans la dernière bobine, qui se doit de révéler le fin mot de
l’histoire, de dispenser une ou plusieurs scènes d’action tranchantes et explosives comme il faut, de nous plonger au cœur du cauchemar horrifique et d’enrubanner le tout avec une touche d’ironie
finale. Sans rien dévoiler de ce qui se cache dans certains tunnels désaffectés du métro new-yorkais, la mission est accomplie haut la main par Midnight meat train. Grâce en
grande partie à son réalisateur, le japonais Ryuhei Kitamura (et non Baker lui-même, comme il avait pu le faire sur Hellraiser ou Candyman).

Pour son premier film américain, l’homme s’est sérieusement calmé sur les expérimentations formelles en tout genre – filtres, accélérations, travellings circulaires à 360°… – par rapport à ses
précédents films, tels Versus ou Godzilla final wars qui finissaient invariablement par devenir à un certain point irregardables. Kitamura exagère certes encore
sur les plans de coupe du métro fonçant dans les tunnels (il y en a quoi, trente, quarante dans le film ?), mais la majeure partie du temps il sait s’en tenir à son rôle d’illustrateur et de
soutien du script. Son inaptitude à mettre en place une photographie et des cadrages neutres donne une indéniable énergie même aux scènes de transition les plus fades ; son montage cut
et son usage de la caméra subjective rendent les meurtres jouissifs ; et son initiative de ne nous donner qu’un aperçu, quasi-impressionniste (un brasier rougeoyant, des ombres qui passent, un
monticule de cadavres dans la pénombre…), du monde infernal où nous mène le Midnight meat train place le film pile à la bonne distance entre le soufflé qui se dégonfle – ne pas
en montrer assez – et le ridicule involontaire – en montrer trop.

 

Les commentaires sont fermés.