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Des dires et des écrits de tous, les onze jours du Festival de Cannes qui s’est clos hier soir ont surtout confirmé les craintes que j’exposais ici suite à l’annonce de la sélection. Un
nombre presque honteusement bas de films sortait du lot, pour la plupart relativement à la médiocrité générale plutôt que dans l’absolu, sur leur réelle capacité à marquer l’esprit des
spectateurs et à plus long terme l’histoire du cinéma. En comptant large, une demi-douzaine d’œuvres sur les dix-neuf en lice ont ainsi généré un semblant d’enthousiasme et de communion.
Un homme qui
crie
Poetry
Le miracle opéré par Tim Burton et son jury est d’avoir composé, à partir de cette poignée de films, un palmarès particulièrement alléchant et ambitieux. On est loin du consensus mou et
prévisible de l’an dernier, hormis peut-être dans les
récompenses pour les acteurs. Avec Juliette Binoche (pour Copie conforme), Javier Bardem
(Biutiful) et le moins connu Elio Germano (La nostra vita) qui a quand même déjà son lot de participations à des films italiens largement
diffusés (Respiro, Romanzo criminale), Burton & co. n’ont pas fait dans le déroutant comme d’autres avant eux. Mais les cinéastes, les
seuls qui comptent réellement au final, ont eux été parfaitement servis. Le tchadien Mahamat Saleh-Haroun gagne le Prix du Jury avec Un homme qui crie – ce qui signifie
que ce que le film représente (par sa sélection, et par son contenu politique) a plus été retenu que le résultat à l’écran. Le coréen Lee Chang-Dong et ses longs-métrages aux sujets dérangeants
toujours menés de main de maître (Oasis, Secret sunshine) obtient le Prix du Scénario
pour Poetry. L’excitante sélection française a fait plus tenir son rang avec deux de ses représentants qui repartent avec des prix d’importance : celui de la Mise en
scène pour la Tournée de Mathieu Amalric (quel meilleur présent faire à un acteur devenu réalisateur ?) et le Grand Prix pour Des hommes et des
dieux de Xavier Beauvois.
Tournée
Des hommes et des dieux
Et enfin, et surtout, la Palme d’Or revient au seul film à avoir réellement stupéfait, bouleversé, ébloui : Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures
[rien que le titre est déjà une splendeur]. Mais il y avait encore un gouffre entre le fait d’avoir enchanté le festival et le droit à recevoir sa récompense suprême.
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Parce que le réalisateur, Apichatpong Weerasethakul, est jeune – pas encore 40 ans –, là où ce sont plus souvent l’expérience et la persévérance qui sont prisées.
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Parce que son pays, la Thaïlande, n’existe pas ou presque sur l’échiquier mondial du cinéma ; et quand un tel pays marginal récupère une Palme, c’est presque toujours par le biais d’un auteur
installé et reconnu (voir point précédent). -
Parce que Oncle Boonmee…, à l’instar des films précédents de Weerasethakul, s’annonce comme une œuvre aux confins de l’expérimental et du merveilleux, bien loin
des habitudes du cinéma narratif classique. Et c’est bien là qu’est le pas de géant effectué par Tim Burton par rapport à tous ses prédécesseurs – car après tout, il y a trois ans, le Palmé
4 mois, 3 semaines, 2 jours
remplissait les conditions des deux premiers points. Mais pour trouver un film a priori aussi spécial et unique accédant à la Palme d’Or, il faut remonter à Pulp
fiction (1994) et Barton
Fink (1991).
Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures
Et encore ; ces deux-là étaient détonants, mais d’une manière américaine, occidentale. Oncle Boonmee… promet de nous emmener vers des contrées bien plus lointaines et
bien plus inconnues. Alors oui, vraiment, merci Tim.
[Ça m'a donné envie de revoir Tropical malady (Prix du Jury 2004) du même Weerasethakul, tiens. En plus, il est sur theauteurs...]