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Il m’aura fallu le temps, mais me voilà enfin regardant la série Mad
Men sans décalage par rapport à sa diffusion sur la télévision américaine après deux saisons (r)attrapées dans des conditions incertaines : image tronquée en 4/3 par des
problèmes de réception Noos, VOD Canal + en version française uniquement… Mais tout ceci appartient désormais au passé, alors que Mad Men entre dans l’âge de raison – et des
écueils potentiels. Après une première année où elle avait pris tout le monde de court par sa qualité d’écriture, son ton formidablement adulte et son traitement tout en retenue du principe de la
reconstitution historique (New York au tournant des années 1960), puis une deuxième année confirmant et prolongeant cette réussite insolente (la crise des missiles de Cuba, l’avènement de la
télévision toute puissante, et sur un plan plus intime la géniale fugue du héros Don Draper en Californie), la série voit se profiler devant elle le risque de la redite, de l’essoufflement des
idées de départ. Un risque d’autant plus plausible que Mad Men n’appartient pas – en tout cas en l’état actuel des apparences – à la minorité des shows qui mènent quelque
part (Lost, typiquement), mais à la majorité de
ceux qui durent tant qu’on le leur demande.
Les trois premiers épisodes étaient de nature à faire germer le doute, par leur relatif surplace. Une fois passée la surprise de l’ampleur de l’ellipse par rapport au final de la saison 2
(environ 6-7 mois), les choses se décantent très lentement, même par rapport au rythme posé qui est l’une des marques de fabrique de la série. Cela ressemble alors plus à de l’indécision qu’à un
savant calcul ; surtout que, malgré le saut d’un semestre, les choses ont relativement peu changé tant au sein de l’agence de publicité Sterling Cooper rachetée par un holding anglais que
dans la vie privée des personnages. Et puis, dans l’épisode 4, The arrangements, l’étincelle survient. Tous les protagonistes sans exception semblent enfin avoir une raison d’être là –
Peggy et son déménagement dans Manhattan, Sal qui se passionne pour l’aspect artistique de la réalisation d’un clip publicitaire, Pete qui force la main, avec la bénédiction des grands chefs, à
un fils à papa multimillionnaire pour qu’il signe un énorme contrat de marketing sur un projet au succès chimérique… etc. Ouf, le tourbillon qui porte Mad Men a repris sa
trajectoire ascendante. Le génie qui nourrit l’écriture de la série brille à nouveau de tout son éclat, lequel se remarque principalement dans les petits détails. Telle cette remarque faite par
la future colocataire de Peggy sur son mensonge à venir envers ses parents – elle est d’origine suédoise alors que les ancêtres de Peggy sont norvégiens, un point visiblement porteur de
fâcheries. Plus loin dans l’épisode, au milieu d’une conversation avec sa mère, Peggy lui annonce qu’elle a trouvé une colocataire norvégienne. Ça passerait presque inaperçu. Ça n’en est que plus
admirable.
Quant au génial Don Draper, il plane plus que jamais au-dessus de la mêlée. L’épisode construit un très subtil parallèle entre les
situations qu’il vit au travail et à la maison, qui ont pour point commun la transmission que l’on souhaite établir entre les générations passée et future, et l’éducation que l’on veut donner à
cette dernière. Don se retrouve bien seul face aux partisans d’un apprentissage « à la dure », à défendre des valeurs de tolérance, de pondération, de mise en doute des valeurs morales
manichéennes du bien et du mal, de l’ordre social et de la réussite par et pour l’argent. Depuis les révélations faites dans la première saison sur son passé, ce personnage gagne séquence après
séquence en profondeur et en acuité. Il est une exception plongée au cœur d’un pays arrogant de toute puissance après deux guerres mondiales victorieuses ; un observateur neutre, conscient
des abus qui mèneront ses compatriotes à leur perte. Il incarne tout ce que le spectateur sait a posteriori de cette époque, mais le garde pour lui – personne ne l’écouterait, de toute façon. La
finalité à long terme de Mad Men se dissimule peut-être là, dans le destin de Don Draper, et dans la situation où sa compréhension aiguë de son environnement le mènera in
fine.
Pour en revenir à l’épisode de ce dimanche, celui-ci est donc d’une densité considérable (presque trop, à voir la compression de la résolution de l’arc concernant le beau-père de Don sur ce seul
épisode), et bouleverse brillamment pas mal des acquis du moment de la série. Les auteurs trouvent même le temps d’incorporer ça et là des petites pastilles temporelles qui signalent que le temps
passe, et qu’un événement à l’impact dramatique titanesque se rapproche inexorablement. Nous en sommes actuellement rendus au 11 août 1963 ; à peine plus de trois mois avant l’assassinat de
JFK à Dallas. Il serait franchement étonnant que ce trimestre ne soit pas avalé au cours des prochains épisodes de cette troisième saison.