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- Les yeux de Julia, de Guillem Morales (Espagne, 2010)
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Où ?
A l’Orient-Express
Quand ?
Lundi après-midi, il y a deux semaines
Avec qui ?
MonFrère
Et alors ?
Superstar du tournant des années 2000, quand il était tiré par les brillants cauchemars d’Alejandro Amenabar (Les autres) et Jaume Balaguero (La secte sans
nom), le cinéma d’horreur espagnol est ensuite rapidement retourné à l’état végétatif. Les produits de consommation photocopiant des recettes éculées et délaissant toute aspiration
à une écriture ou une réalisation de qualité y pullulent, et les bonnes surprises s’y font rarissimes. Dans ce contexte morose et duquel on en est venu à ne plus rien attendre, même une
demi-réussite comme Les yeux de Julia est bonne à prendre ; surtout venant d’un metteur en scène novice, Guillem Morales, qui prouve avoir en sa possession un bagage
suffisant pour – peut-être – nous gratifier d’encore meilleures surprises par la suite.
La séquence inaugurale du film est un bon indicateur de ce qui, aux yeux de Morales, relève des moyens ou bien des fins. Dans une ambiance tout de suite radicalement terrifiante, l’actrice
principale Belen Rueda se suicide devant nos yeux et ceux d’un voyeur restant dans l’ombre. La scène suivante la montre de nouveau à l’écran, en pleine forme, dans le rôle de Julia, la
sœur jumelle de la défunte. Le scénario du film a donc, dès cette ouverture, pour seule et unique fonction de pourvoir la mise en scène en
situations ayant le potentiel pour être traitées de manière extrême. Et peu importe qu’elles soient crédibles ou logiques. La bonne surprise est que Morales a assez de passion pour le cinéma
d’horreur, et de maîtrise de ses codes formels, pour nous faire accepter tous les soubresauts de l’enquête menée en solitaire par Julia dans le but de prouver que le suicide de sa sœur ne s’explique pas aussi simplement. Le réalisateur débutant vit selon toute évidence dans un monde parallèle au notre où tout est prétexte à du
suspense (une course-poursuite dans un long couloir souterrain dont les lumières s’éteignent l’une après l’autre), de l’effroi (la descente dans les bas-fonds d’un hôtel, dans la tanière du
concierge) ou des effets visuels sophistiqués – ce moment où soudain la caméra adopte le point de vue subjectif du tueur pour corroborer ce qui a été dit juste avant sur son invisibilité aux yeux
du monde. Et tant qu’il a à sa disposition cette base suffisamment solide qu’est le jeu du chat et de la souris entre Julia et le tueur, on adhère volontiers à ses extravagances et revirements
(la vue de l’héroïne, qui oscille sans cesse le long de l’échelle entre le tout et le rien).
Mais quand je disais plus haut que Les yeux de Julia est une demi-réussite, c’est une affirmation exacte quasiment à la minute près. À la moitié du film, une bifurcation
de scénario emmène en effet les deux personnages vers une situation de confrontation directe, et plus statique. La disette de mouvement, et du détournement d’attention qui va de pair, laisse
alors apparaître plus crûment les artifices frustes auxquels Morales a recours pour sauter de scène en scène. Notre attachement à son film se fait alors plus fluctuant ; il ne redevient
réellement fort que lorsque le réalisateur déploie des trésors de créativité cinématographique. Toute la séquence se déroulant dans l’appartement du tueur, construite en deux parties autour d’un
moment-clé où Julia recouvre la vue, en est la plus belle manifestation. En renversant complètement les règles de sa mise en scène selon que son héroïne voit ou pas, Morales exécute là du grand
cinéma d’horreur, inquiétant, stupéfiant – avec une touche de gore. Le duel final, bien que calqué sur le jeu vidéo Project Zero, vaut également le détour. Le reste de la seconde moitié
des Yeux de Julia est par contre le plus souvent dans le creux de la vague… jusqu’au dernier plan inclus, qui laisse résolument perplexe.